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immeubles le domaine dans la vallée, le germ dans la montagne, en tout 28,000 francs ; elle élève des animaux domestiques évalués à 3,264 francs ; son matériel de travaux est d’environ 670 francs. Ces chiffres ne donnent qu’une idée imparfaite des revenus ; il faut y joindre les nombreuses ressources de détail que fournissent la vie des champs, les tolérances forestières et surtout la quantité des salaires due au travail des différens membres. Le régime alimentaire est sain, suffisant, peu luxueux. On y mange de la viande de porc presque exclusivement, plusieurs fois par semaine ; le beurre, quelques légumes, les céréales sous forme de pain de seigle et de froment mélangés, de mestura, pain d’orge, de maïs, de millet et de sarrasin, de bouillie de maïs, de crêpes de maïs ou de sarrasin. Les noces sont la seule circonstance pour laquelle les repas prennent le caractère de l’abondance. Encore faut-il savoir ce que sont, dans cette famille tempérante et dans ce sobre pays, ce qu’on appelle des excès ; ils feraient l’effet d’un jeûne des plus austères à nos ouvriers du nord. Voici la bombance faite à l’occasion d’un mariage célébré dans la famille et où furent invitées trente-deux personnes. On y but 20 litres de vin, on y consomma 22 kilogrammes de viande. N’est-ce pas un festin d’anachorète malgré ce qui s’y ajoute de beurre, de lard et d’œufs ? Au reste, les hommes s’abstiennent absolument de l’usage du tabac et des spiritueux. Tout au plus trois ou quatre fois par an voit-on une consommation modérée de café dans les auberges. Passons sur l’inventaire et les autres détails, minutieusement décrits : meubles qui montent à 1,171 fr., ustensiles à 224 fr., linge à 528 fr., vêtemens, non sans élégance pour ce qui concerne les femmes, s’élevant au chiffre respectable de 3,543 francs. Omettons les budgets des recettes et des dépenses, dressés article par article, supputés jusqu’au dernier centime ; ne relevons que quelques faits importans, qui se rattachent au régime des successions dans ces familles du Lavedan et aux effets moraux et économiques qu’il y produit assez uniformément.

C’est bien en effet aux arrangemens permis par la liberté testamentaire que revient le mérite de l’organisation satisfaisante de ces familles, menacées en si grand nombre de destruction par l’œuvre de fractionnement non achevée encore. Les preuves en sont tirées ici de l’historique même de la distribution des biens et des tâches après le décès des membres importans de la famille. Sur ce point encore, les détails précis, circonstanciés, qui ailleurs pourraient paraître superflus, semblent nécessaires. En 1810, Pierre Dulmo, grand-père de Savina Py, maîtresse de la maison Mélouga en 1856, marie sa fille aînée à Joseph Py, chef de la communauté en cette même année. Selon l’usage, cette fille, destinée, en qualité d’héritière