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pourrait trouver là les conditions d’une liberté durable et d’un ordre assuré ?

Personne n’a pris une part plus active à cette lutte que M. Le Play. Tous ces argumens que nous venons de rappeler se retrouvent dans ses livres ; ils y sont développés avec une surabondance de preuves presque inépuisable et sous des formes qui lui appartiennent véritablement. Bien qu’il ait touché à plus d’un point important de l’économie sociale, la critique de l’égal partage et la revendication de la liberté testamentaire illimitée, voilà comme une note qui revient toujours dans ses écrits. On se demande si, à travers bien des vues justes où neuves, il n’y aurait pas là un certain parti-pris systématique ; mais avec un écrivain sérieux on ne saurait sans réelle injustice s’en tenir à une simple impression. À une conviction si réfléchie comme à une opinion aujourd’hui si répandue, on doit un examen plus attentif. Il serait d’ailleurs fâcheux qu’une thèse excessive fît rejeter les vérités qui en sont le point de départ ou qu’on rencontre sur la route. Pour l’auteur, la critique de la loi de succession se rattache à un ensemble d’idées d’où elle paraît se déduire et qui mérite considération. On peut ajouter que, sur ce point comme sur d’autres, il a fait école. C’est sous son impulsion que s’est formée, c’est sous sa direction que travaille une Société d’économie sociale qui tient à Paris ses séances depuis plusieurs années, et qui publie des mémoires où les idées générales et ce qu’on appelle la méthode de M. Le Play se trouvent fidèlement reproduites avec quantité de détails descriptifs, analytiques et minutieux sur la condition des divers groupes de travailleurs urbains et ruraux dans tous les pays. Dans plus d’un de ces mémoires reparait la même thèse favorite. Enfin l’auteur revient de nouveau à la charge. En présence des questions qui s’agitent aujourd’hui, il publie un travail sur l’Organisation de la famille, faisant suite à un autre volume qui a paru il y a environ un an sur l’Organisation du travail, et au principal de ses ouvrages, la Réforme sociale. Dans ces trois livres, la loi de succession est discutée, combattue, présentée comme une question moins de jurisprudence que de morale et d’organisation sociale. C’est à ce titre que nous nous en occupons à notre tour ; c’est à ce point de vue que nous nous placerons pour examiner les pièces du dossier que M. Le Play met sous nos yeux.


II

L’auteur de l’Organisation de la famille rattache ses nouvelles études, comme les précédentes, à la méthode d’observation, dont