et l’envie. Déjà M. Pasquier avait prononcé une harangue dans le même sens. Son discours, quoique ayant moins de relief, d’argumentation fine et serrée, un style moins achevé, nous frappe encore par la force des raisons. Plus tard, M. Rossi devait développer le même fonds d’idées ; il défendait, avec de rares ressources de savoir et de talent, la loi française de succession, non plus cette fois devant une chambre, mais devant l’auditoire du Collège de France. C’était alors au reste une cause qui paraissait gagnée. La question ne faisait pas doute dans les nouvelles générations. Qu’on joigne enfin à ces écrits des pages vives et sensées de Benjamin Constant, dictées par le même esprit, de substantiels chapitres de Sismondi dans ses Principes d’économie politique ; que pour la thèse contraire on place en regard l’écrit de circonstance de M. de Bonald sur la Famille agricole et la Famille industrielle, et d’autres morceaux analogues du même écrivain, ainsi que les travaux plus considérables de MM. Rubichon et Monnier, on aura presque au complet, dans ce qu’elle offre d’essentiel, cette grande controverse telle que la restauration pouvait la produire dans l’état encore imparfait des documens. Était-il suffisamment tenu compte, dans cette réfutation si bien fondée en général que les défenseurs de la loi de succession opposaient aux partisans du droit d’aînesse, de certains effets fâcheux de cette loi d’égal partage ? Nous ne le croyons pas en les lisant aujourd’hui avec le sang-froid que rend facile la lutte politique apaisée. D’une part, ces plaidoyers atténuaient un peu les inconvéniens du partage forcé ; d’un autre côté, ces conséquences n’avaient pas pu être étudiées d’assez près, l’expérience restant elle-même encore incomplète sur quelques points.
Il faut donc le reconnaître ; sauf de la part de quelques organes du parti ultra-légitimiste et religieux, fidèles au droit d’aînesse, les critiques dirigées contre la loi de l’égalité forcée des partages ont subi de réelles modifications. Ce n’est pas au nom du privilège qu’on engage la lutte, c’est au nom de la liberté. Y eût-il chez quelques-uns une arrière-pensée, rien n’autorise à douter chez la plupart de la sincérité de cette thèse, qu’adopte d’ailleurs un certain nombre de libéraux authentiques, prenant fait et cause pour la liberté de tester. C’est ce qu’une très petite minorité du parti opposant avait déjà osé faire sous la restauration ; c’est à ce point de vue que s’était placé par exemple le très libéral rédacteur du Censeur, M. Ch. Dunoyer. De telles voix isolées trouvaient alors peu d’échos. Le privilège et l’égalité établis par voie législative paraissaient seuls en ce moment dans l’arène, comme deux adversaires intraitables, combattant visière baissée, et tous deux peu disposés à s’en remettre à l’arbitrage de la liberté, qu’on répugne maintenant beaucoup moins à invoquer.