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La mention de la lettre du pape Léon à Flavien, dont on avait refusé la communication au faux concile d’Éphèse par une suite de subterfuges, donna lieu à de nouveaux débats. Il en résulta que Dioscore était seul responsable de ce refus, et non, comme il l’insinuait, ses assesseurs Thalassius, Juvénal et les autres ; mais ces insinuations ne laissèrent pas d’irriter contre lui ses anciens collègues à la présidence, qui virent bien que son plan de défense était de rejeter sur eux une partie de ses fautes ou de les entraîner tous dans sa perte ; ils songèrent alors à se dégager d’une responsabilité dangereuse. À un certain endroit des actes, les Orientaux ayant signalé une fausse déposition : « Il faut vérifier, dirent les membres du concile ; qu’on fasse venir les notaires synodaux. — Demandez plutôt que Dioscore fasse venir les siens, interrompit Théodore de Claudiopolis, car il a chassé tous les autres, et n’a laissé recueillir de notes qu’à des hommes dont il était sûr. — De quelle main sont libellés les actes ? dirent les magistrats. — Chacun, répondit Théodore de Claudiopolis, a fait écrire pour lui ses notaires ; les miens l’ont fait pour moi, ceux de Thalassius pour lui, ceux de Juvénal pour lui ; il y avait des notaires de plusieurs autres évêques qui écrivaient, » Là-dessus Eusèbe de Dorylée pria les magistrats de faire entendre Étienne d’Éphèse, qui avait des renseignemens curieux sur cet objet. Requis de s’expliquer, Étienne le fit en ces termes : « Mes notaires, dit-il, pour fournir un exemple de la manière dont Dioscore traitait ou faisait traiter ceux des autres, tenaient des notes pour moi ; ils étaient deux, Julien, maintenant évêque de Lébède, et Crispinus, diacre. Lorsqu’ils furent aperçus de Dioscore, il envoya vers eux ses notaires à lui, lesquels s’emparèrent de leurs tablettes, qu’ils effacèrent, et faillirent leur rompre les doigts en voulant leur arracher leurs écritoires. Cela fait que je n’ai point eu de copie des actes, et je ne sais ce que sont devenues les notes qui m’étaient destinées. » Les manœuvres de Dioscore se dévoilaient ainsi à chaque ligne des actes, et tous les témoignages tournaient à sa confusion.

Quand on en vint à la profession de foi d’Eutychès, insérée aux actes, il s’éleva une discussion dogmatique fort embrouillée, et qui montre combien Cyrille, soit par ses anathématismes, soit par quelques-unes de ses lettres, avait jeté d’embarras dans une question qu’il déclarait lui-même à peu près inaccessible aux intelligences théologiques les plus exercées. On avait reproché à Eutychès, dans le concile de Constantinople, de dire : « deux natures en Jésus-Christ avant l’incarnation, et une seule après, » et Basile de Séleucie lui avait fait observer que, si, au lieu de dire simplement une nature, il ajoutait incarnée et humanisée, il penserait alors comme le bienheureux Cyrille et comme tous les orthodoxes, « car enfin,