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LA HOLLANDE
ET
L'EMPIRE GERMANIQUE

Depuis que le sort des batailles s’est prononcé pour les ambitions prussiennes, bien des questions sont nées de ce grave dérangement de l’équilibre européen ; parmi ces questions, il en est peu qui offrent plus d’intérêt que celle de la situation faite par les événemens à la Hollande. Sans doute rien aujourd’hui n’est de nature à faire croire que cette situation devienne critique à bref délai ; mais il suffit qu’elle puisse le devenir d’un moment à l’autre pour que ceux qui n’aiment pas à être surpris par les orages de la politique cherchent à se rendre compte de l’état des esprits et des choses dans les deux pays, et de ce qui pourrait compliquer des relations déjà délicates.

Jusqu’en 1866, la position internationale de la Hollande pouvait passer pour très forte. L’Allemagne divisée cherchait péniblement sa voie, et ne songeait guère à s’agrandir, — sauf peut-être du côté de l’Alsace : encore n’était-ce là qu’une théorie de professeurs et de poètes perdus dans les nuages ; elle se fût montrée unanime contre la puissance qui aurait fait mine de vouloir s’emparer des Pays-Bas. L’Angleterre avait renoncé depuis longtemps à toute idée de conquête, et il était hors de doute pour tous qu’elle protégerait énergiquement un pays maritime et colonisateur, trop faible désormais pour lui porter ombrage, mais dont la possession augmenterait énormément la puissance navale et commerciale de tout. autre grand état. La France, alors la plus suspectée quant à ses velléités d’agrandissement, ne pouvait être accusée de rêver une telle entreprise. Les Hollandais d’ailleurs n’étaient nullement