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elle présentait effectivement un grand danger, l’abstention des légats du pape qui n’y paraîtraient point sans lui; or cette abstention changeait, comme nous l’avons dit, le caractère du concile, et remettait tout en question. Les évêques insistaient cependant, et il fallait compter avec la difficulté des hommes comme avec celle des choses. Après y avoir mûrement réfléchi, Marcien écrivit aux évêques que, ne pouvant pas les aller trouver hors du centre de ses affaires, il avait résolu d’en rapprocher le concile, et que pour cette raison il le transportait à Chalcédoine. « Chalcédoine, disait-il, n’était séparée de Constantinople que par le Bosphore, large en cet endroit de moins d’un mille. Être à Constantinople, c’était être à Chalcédoine, et Marcien assisterait aux travaux de l’assemblée tantôt en personne, tantôt par des communications de tous les momens. » Il ajoutait cette considération assez importante pour les évêques, que Chalcédoine, étant une bien plus grande ville que Nicée, leur offrirait soit par elle-même, soit par sa proximité de Constantinople, toutes les facilités désirables pour un bon établissement, même pendant une longue session.

Ce moyen terme mettait l’empereur à l’aise dans ses engagemens vis-à-vis des légats, et levait une partie des difficultés dont on pourrait se plaindre justement; toutefois il plut médiocrement aux évêques, peu soucieux de se rapprocher de Constantinople, où régnait, disait-on, une agitation assez vive, provenant des moines eutychiens. Marcien mit fin à toute hésitation en donnant au concile l’ordre formel de se transporter à Chalcédoine avant la fin de septembre pour tout délai; l’ordre impérial était daté d’Héraclée en Thrace. Les évêques, à bout d’opposition, partirent, et la tourbe des moines et des étrangers les suivit, s’augmentant même pendant la route.

Au 1er octobre ou peu de jours après, le concile se trouva réuni à Chalcédoine. C’était le plus nombreux qu’eût encore vu la chrétienté. Des documens officiels portent le chiffre des membres à 630, parmi lesquels il faut comprendre les absens, pour qui leurs métropolitains signèrent la définition de foi. Le concile lui-même, dans une lettre écrite au pape Léon, ne s’attribue que 520 membres, et les listes de signataires qui nous sont restées des différentes séances ou actions en portent presque toujours beaucoup moins. Quoi qu’il en soit, c’était une grande et imposante assemblée, puisque le premier concile œcuménique n’avait compté que 318 membres et le second que 150. Le lieu du rendez-vous était l’église de Sainte-Euphémie.


II.

A cent cinquante pas du Bosphore, en dehors des portes de Chalcédoine, s’élevait sur un monticule la basilique dédiée à la martyre