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enterré précipitamment. L’exhumation se fit avec solennité sous l’œil des préposés de l’empereur. Sur toute la route que suivit le convoi, il fut accueilli par le respect public, par les prières des clergés fidèles et les larmes des populations, émues d’une fin si tragique. A Constantinople, où l’attendaient des funérailles dignes de son rang, Flavien, étendu selon l’usage dans son cercueil, traversa toute la ville au milieu d’une foule compacte, pressée autour de lui comme des enfans autour d’un chef bien-aimé. Conduit ainsi jusqu’à l’église des Apôtres, l’archevêque assassiné dans un concile alla reposer près de son prédécesseur Chrysostome, martyr comme lui de l’inimitié des évêques.

Les mois se passèrent rapidement au milieu de ces préoccupations. Aux approches de septembre, les routes qui se dirigeaient vers Nicée se couvrirent de convois de la course publique voiturant des évêques réunis par diocèse, ou de bandes de moines à pied venant de toutes les parties de l’Orient à ce concile où ils n’étaient point convoqués. Il en arrivait d’Egypte, de Palestine, des hautes vallées de l’Euphrate, où dominaient les idées eutychiennes, car tous ces moines étaient partisans fanatiques de Dioscore et du faux concile d’Éphèse. Avec eux cheminaient d’autres troupes de laïques curieux d’émotions ou d’ecclésiastiques déposés, évêques et clercs, qui venaient épier quelque occasion de rentrer dans l’église ou de nuire du moins à leur évêque. Bientôt la ville de Nicée, qui était petite, se trouva encombrée de multitudes passionnées, ardentes, dont l’attitude faisait prévoir bien des troubles, à ce point qu’il fallût renforcer la garnison et éloigner tout individu, prêtre ou autre, qui n’aurait pas été dûment appelé par son évêque. Ce fut Pulchérie elle-même qui envoya cet ordre au consulaire de la Bithynie, dont la ville de Nicée dépendait.

Cependant le temps fixé pour la session était déjà passé, et l’empereur ne paraissait point. Soldat avant tout, Marcien, quel que fût son zèle pour la religion, était d’abord aux affaires de la guerre, et ces affaires prenaient de jour en jour une importance plus exceptionnelle à cause de la lutte qui se livrait en Gaule entre les Romains et les Huns et dont on savait mal l’issue. Attila avait été battu par Aétius dans les plaines de Châlons; bientôt les débris de son armée vinrent se reformer sur les bords du Danube, et menacer directement Constantinople et la Thrace. Les nécessités de la défense retenaient donc Marcien, quoi qu’il en eût, dans le voisinage du Danube. Toutefois les évêques réunis à Nicée trouvaient le temps long; les subsistances y devenaient rares pour tout le monde, enfin l’ennui prenait ces vieillards, retenus oisifs si loin de chez eux. Ils demandèrent à l’empereur de leur laisser ouvrir la session, s’il ne lui était pas possible de venir; cette demande contraria Marcien;