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s’ouvre de plus en plus aux investigations de hardis explorateurs, que des régions nouvelles sont colonisées, la France et toutes les nations latines avec elle demeurent en partie étrangères, indifférentes même, à ce grand mouvement. Les autres races, notamment les races anglo-saxonne et germanique, sont ainsi entraînées à une large expansion au dehors, tandis que, attachés au rivage, nous participons trop peu à ces vastes courans d’émigration et de trafic qui se créent autour de nous. Quelle part du reste prendrions-nous, quel rôle pourrions-nous jouer dans toutes ces grandes œuvres ? Nous ignorons quelquefois en quel lieu précis du globe se passe l’action à laquelle il faudrait se mêler.

La théorie scientifique des affaires et du travail, l’économie politique, nous est-elle d’ailleurs mieux connue ? A peine si nous entrevoyons comment se produit, circule et se distribue la richesse. Dans le domaine du commerce et de l’industrie, comme dans celui de la politique proprement dite, on paie cher cette ignorance. Il suffit de citer à cet égard les malheureuses résolutions fiscales qui sont prises si souvent par les chambres françaises, et qui vont si directement contre le but qu’on se propose, celui de venir en aide à la marine, au commerce, à l’agriculture, à l’industrie. Il en est de même pour un autre ordre de problèmes économiques, ceux qui se rattachent à la question ouvrière, dont nous ne savons pas non plus poursuivre la solution, et qui renferment la source de toutes nos révolutions sociales. Si l’on nous avait enseigné à discuter toutes ces choses à l’âge où l’on apprend encore, nul doute que nos industriels, nos commerçans, nos hommes d’état eux-mêmes, seraient souvent moins embarrassés. Il faut étudier la théorie du travail et des affaires, la géographie, les langues modernes, comme on étudie les littératures, les sciences, le droit, la médecine, la théologie ; en d’autres termes, ce qu’il faut pour compléter l’éducation d’une partie de la jeunesse, française, ce sont en quelque sorte des facultés de commerce s’ajoutant aux autres facultés que nous possédons déjà.

Les écoles supérieures de commerce que l’on fonde en ce moment ont précisément pour objet de remplir ce desideratum. Au Havre, à Rouen, à Lyon, à Marseille, on a mis en première ligne l’enseignement de la géographie, de l’économie politique, des langues étrangères : l’anglais, l’allemand, l’espagnol, l’italien. L’anglais n’est-il pas devenu la langue par excellence du commerce ? L’allemand est frère de l’anglais, l’espagnol est parlé dans les deux Amériques, l’italien est adopté, depuis le moyen âge, comme la langue des affaires dans tout le bassin méditerranéen. Avec ces langues, les élèves apprennent à connaître les usages commerciaux des places où on les parle, les poids et mesures