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patriotique et la sagesse de son administration eussent dû rendre l’objet du respect universel. A considérer tout cela, les Occidentaux ne voyaient que de la démence dans la conduite des évêques d’Orient. Prenant fait et cause pour l’honneur de leur église non moins que pour la pureté de la foi, ils réclamaient à grands cris la convocation d’un vrai concile œcuménique qui rescinderait les actes de ce faux synode, rayerait son nom du catalogue des conciles, abolirait sa mémoire, et pour que la foi pût être sauvée et la dignité de l’épiscopat protégée, pour qu’en un mot l’évêque de la vieille Rome, tête de toutes les églises, pût consentir à y paraître, on demandait que l’assemblée se tînt à Rome ou du moins en Italie. Le pape Léon se fit l’interprète de ce désir près de l’empereur d’Orient, qui était encore Théodose II.

Il écrivit une lettre à cet effet dans son synode provincial, qu’il avait réuni pour le consulter sur la question. La lettre se fondait en particulier sur l’appel interjeté par Flavien au moment de sa condamnation ; on ignorait encore à Rome que le malheureux archevêque de Constantinople eût cessé de vivre, victime des violences qu’il avait subies; on le croyait en exil dans quelque endroit reculé de l’Orient. En même temps qu’il écrivait à l’empereur, le pape adressait à Pulchérie une copie de sa lettre synodale, la suppliant de l’appuyer près de son frère; mais Théodose, devenu plus irritable dans les derniers mois de sa vie, reçut d’assez mauvaise grâce les observations de l’évêque de Rome, et se contenta de répondre que les décrets du concile d’Éphèse étaient la voix même de l’église, qui complétait par eux l’exposition de Nicée; qu’il s’y tiendrait donc, sans vouloir qu’il y fût rien changé. Quant à Pulchérie, que pouvait-elle faire, éloignée du palais et comme prisonnière à l’Hebdomon, sinon confesser son impuissance à l’égard de toute mesure désirable? Elle n’était plus rien pour son frère; ce frère d’ailleurs n’avait pas la libre possession de lui-même: il obéissait à Chrysaphius, maître de la conscience du prince comme des affaires de l’état.

Dans ce naufrage de toutes ses espérances, Léon crut avoir saisi un suprême moyen de salut. On était au mois de février 450, et le 22 de ce mois se célébrait annuellement, avec une grande solennité, la fête dite de la Chaire de saint Pierre, commémorative du jour où l’apôtre Pierre avait pris le gouvernement du troupeau chrétien dans la Babylone de l’Occident. Les évêques d’Italie se rendaient à cette époque en grand nombre autour du successeur de l’apôtre, et la fête en lirait un lustre tout particulier. Or on avait su que cette année l’empereur Valentinien III, l’impératrice Placidie, sa mère, et Eudoxie, sa femme et la fille de Théodose II, devaient venir de Ravenne à Rome s’associer aux prières faites pour