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la Gaule. Après sa défaite dans les plaines de Châlons, lorsqu’il se jeta sur l’Italie avec de nouvelles troupes, Marcien fit passer une partie des siennes au-delà des Alpes, provoquant ainsi dans un intérêt romain le mortel ennemi de sa nation, et se montrant supérieur aux mesquines jalousies qui divisaient trop souvent les deux moitiés de l’empire pour leur ruine commune.

Tandis que par sa conduite au dehors il se donnait le droit d’inscrire en tête de ses lois des préambules tels que celui-ci : « nous appliquant à nous rendre utile au genre humain, consacrant nos jours et nos nuits à faire que les peuples sous notre gouvernement soient à l’abri des incursions barbares par la valeur de nos soldats, et vivent dans la paix et la sécurité,... » à l’intérieur il travaillait à cicatriser bien des plaies saignantes. Il épurait les magistratures vouées à la corruption sous l’administration de Chrysaphius, il modérait les impôts, remettait des amendes, amnistiait des condamnés; la religion surtout attira sa sollicitude.

Marcien était un catholique éprouvé, et la certitude de rencontrer en lui un frère en orthodoxie comme en amour du bien public n’avait pas médiocrement pesé sur la détermination de la pieuse Pulchérie. Cette conformité de doctrines dans un point alors si important augmenta la confiance publique, car pendant le dernier règne en n’avait que trop senti le mal que faisaient à l’église et à l’état les divisions de la famille impériale en matière de foi. On put donc espérer de voir le calme renaître bientôt dans la chrétienté, si profondément troublée par suite du faux concile d’Éphèse et de la loi de Théodose qui rendait ses décrets obligatoires dans l’empire d’Orient.

Un an s’était écoulé entre la clôture de cette assemblée « impie et féroce, » comme l’appelait le pape Léon, et la mort de Théodose II. Ce temps avait été activement employé au profit de la persécution. Chrysaphius, par les moyens qui lui étaient familiers, avait livré la chrétienté orientale à la merci de son protégé Dioscore; toutes les églises courbaient maintenant la tête sous le même bâton « pharaonique » que connaissaient trop bien celles d’Egypte. Cependant une partie des évêques qui avaient cédé pour éviter l’expulsion ou l’exil maudissaient secrètement leur joug et étaient tout prêts à le secouer; quelques-uns même donnaient l’exemple d’une fermeté courageuse sous les sévices et les menaces. Tous au fond invoquaient l’instant de leur délivrance, la tyrannie de Dioscore étant insupportable même à ceux qui professaient comme lui les opinions eutychiennes. Ces opinions, malgré l’aversion générale pour l’homme qui les personnifiait alors, n’avaient pas laissé de faire des progrès dans une partie de l’empire, et un schisme semblait prochain, où l’eutychianisme pourrait presque balancer les forces de l’orthodoxie.