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1307. Nous avons déjà remarqué que, dans la grande affaire de 1303, Nogaret n’est pas une seule fois appelé « chancelier ; » dans toutes les commissions que le roi lui donne avant septembre 1307, il est simplement qualifient chevalier. » Seulement, faute d’avoir fait la distinction entre le titre officiel de chancelier et la simple garde du grand sceau, dom Vaissète est tombé en quelques erreurs. Il importe de remarquer en effet que la fonction dont fut revêtu Nogaret n’était pas précisément celle de chancelier. Le chancelier proprement dit était un haut personnage ayant une autorité propre, toujours un ecclésiastique, couvert par cela seul de fortes immunités. Philippe le Bel, comme la plupart des souverains absolus, n’aimait pas que ses ministres fussent indépendans de lui, ni trop à l’abri de ses caprices. La place de chancelier fut ainsi toujours vacante sous son règne ; le chancelier était remplacé par un simple gardien du sceau, sigillifer ou custos sigilli, ou vice-cancellarius. Plusieurs actes donnent en effet à Nogaret ce titre de vice-cancellarius. La distinction n’était pas toujours observée, et c’est pour cela que nous trouvons Nogaret et ceux qui comme lui tinrent le sceau sans être chanceliers sous le règne de Philippe le Bel et de ses successeurs immédiats, appelés par abus, même dans des pièces officielles, regis Franciœ cancellarius. Nogaret du reste nous a donné à cet égard, dans son apologie de 1310, l’explication la plus catégorique[1]

Dom Vaissète croit que Nogaret conserva la garde du sceau jusqu’à sa mort. On trouve en effet des actes où il figure comme garde du sceau en 1308, 1309, 1311, 1312. Le père Anselme suppose qu’il fut chancelier jusqu’à l’avant-dernier jour de mars 1309, et que Gilles Aycelin, archevêque de Narbonne et ensuite de Rouen, eut la garde du grand sceau depuis le 27 février de l’an 1309 jusqu’au mois d’avril de l’an 1313. Ces deux systèmes semblent se contredire ; dom Vaissète cependant réussit à les accorder. Nogaret conserva effectivement sa charge jusqu’à sa mort, arrivée en 1313 ; mais au moment où il partit en 1310 pour aller à Avignon poursuivre la mémoire de Boniface et sa propre justification, le roi chargea Gilles Aycelin de la garde du sceau pour tout le temps de son absence. Que Nogaret ait conservé le titre et la dignité de vice-chancelier après son départ de Paris et son arrivée à Avignon, nous en avons la preuve dans le reproche que lui adresseront en 1310 les

  1. « Nec ego sum cancellarius, écrit-il, sed sigillum regis custodio, sicut ei placet, licet insufficiens et indignus tamen fidelis, propter quod mihi comimsit illam custodiam, quam exerceo quum sum ibi, cum magnis angustiis et laboribus propter domini mei honorem ; non ergo est dignitatis sed honoris officium supradictum. » Rien de plus clair ; Nogaret est chargé du sceau, mais toujours révocable, sicut ei placet ; il n’est custos sigilli que quand il est auprès du roi, quum sum ibi.