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blasphémant Dieu, si bien que le proverbe qu’on disait à son sujet s’accomplit : Intravit ut vulpes, regnavit ut leo, morietur ut canis. Boniface mort, Nogaret crut devoir poursuivre son action juridique ; l’accusation d’hérésie en effet n’est pas éteinte par la mort ; il eût été pernicieux pour l’église que la mémoire d’un pape aussi criminel ne pérît pas avec l’éclat convenable[1], car d’autres eussent été par là entraînés à l’imiter, ce qui est bien à éviter pour le bien du siège apostolique. Prié de différer et assuré par le nouveau pape d’intentions bienveillantes, il revint en France, conseilla au roi l’ambassade dont Belleperche, Plaisian, Mercœur firent partie, et, comme le nouveau pape, prévenu injustement, exprima le désir de ne pas le voir, il eut la modération de s’effacer. On voit donc que c’est le pur zèle de la gloire de Dieu et de la foi qui l’a fait agir, il n’a violé aucun canon ; que s’il a excédé en quelque chose, il est prêt à en rendre compte au concile général.

Le 12 septembre suivant, Nogaret passa par-devant l’official de Paris un acte plus hardi encore. De mauvaises nouvelles arrivaient d’Italie ; on craignait que les cardinaux du parti de Boniface se rendissent maîtres du conclave. Nogaret, pour se réserver des moyens dilatoires contre la sentence dont le futur pape pourrait le frapper, déposa une protestation préalable. Considérant la vie de feu Boniface remplie de crimes énormes, voyant que plusieurs ecclésiastiques, dont quelques-uns sont assistans du saint-siège, ont approuvé sa mauvaise vie, sa sodomie, ses homicides, sans qu’ils puissent s’excuser, comme ils pouvaient le faire jusqu’à un certain point de son vivant, sur la terreur que leur inspirait sa tyrannie effrénée, craignant en conséquence que ses adhérens, s’il n’y est pourvu, ne soient aussi pernicieux à l’église qu’il l’a été lui-même, — par ces motifs, Nogaret en appelle au concile et au pape à venir, de peur que les cardinaux fauteurs dudit Boniface ne présument d’élire un complice de ses crimes, ou d’accepter au conclave des rapports avec de tels excommuniés. C’est la crainte qu’il a de ces fauteurs d’hérésie, dont l’injuste haine ne cesse de le poursuivre, qui l’a empêché de se rendre à la cour de Rome (pour répondre à la citation de Benoît XI). Il ne nomme pas quant à présent ces hommes pervers que leurs déportemens dénotent assez ; mais il est navré quand il voit ainsi les fils de la sainte église romaine faire jouer à cette mère jusque-là toujours chaste le rôle d’une courtisane. De même qu’il s’est élevé contre Boniface, il s’élèvera contre la séquelle de Boniface, et cela, parce qu’il a choisi pour mission de s’opposer comme un mur à ceux qui veulent outrager la susdite mère et la violer à la face des nations. — De l’audace, toujours de l’audace !

  1. Si memoria cjus cum debito sonitu non periret.