intermédiaires qu’on pouvait tenter de rattacher à l’empire français ? Le choix était difficile. Sous tout régime, il eût embarrassé la France, s’il ne l’eût mise en péril ; mais les gouvernemens sont moins qu’ils ne le paraissent libres de faire un choix : alors même qu’ils ont l’air de céder à un caprice, ils sont le plus souvent poussés par leur principe. Le nom, les traditions, les habitudes d’un régime ont sur lui une puissance difficile à secouer. Pour un Napoléon, avant la chute de Sedan, il était un minimum de grandeur, un maximum de concessions aux états rivaux au-dessous duquel il était malaisé de descendre. L’aigle d’Iéna et de Solferino ne pouvait voir de bon œil l’aigle des Hohenzollern menacer de planer au-dessus d’elle. L’empereur Napoléon III, en dépit de son mysticisme dynastique, en dépit de son régime personnel, était à certains égards, autant qu’un tel régime le peut permettre, un homme, sinon un souverain moderne ; mais en même temps il était l’héritier d’un nom légendaire, d’une gloire démesurée, hors de proportion avec notre époque. Il y avait chez lui une lutte continuelle entre l’homme moderne et le neveu de Napoléon. Son grand travail était de les maintenir tous d’eux d’accord, ou au moins d’en avoir l’air ; mais la tâche devenait de plus en plus difficile. De là un nouveau motif d’hésitation, une cause de plus à ces contradictions de la politique de Napoléon III. Sa raison lui eût-elle toujours montré la voie la plus sûre, que ses traditions dynastiques ne lui eussent souvent pas permis de la suivre. Il demeurait pris entre le sentiment de ce qui était possible, vraiment moderne et progressif, et l’obsession de ce qui avait l’air grand, impérial, napoléonien.
Les orgueilleuses traditions du premier empire n’étaient point pour le second une défroque vieillie, aisée à rejeter : elles avaient eu une large part dans sa restauration ; elles n’étaient point inutiles à son maintien. La gloire extérieure était pour les Bonaparte un moyen de gouvernement et l’un des principaux. À ce titre, elle était une des bases essentielles de leur trône. Si matérialiste au point de vue politique qu’on prétende la France contemporaine, l’ordre matériel, tout en étant son premier besoin, ne lui suffit point ; il lui faut encore la liberté ou la gloire, les luttes des armes au dehors à défaut des luttes d’idées et d’éloquence au dedans. Sous les Bonaparte, les entreprises extérieures étaient destinées à occuper l’active imagination de la France. La politique étrangère se trouvait par là tenue dans une fâcheuse dépendance de la politique intérieure ; l’une servait de diversion à l’autre. Ce n’était point un mal tout à fait nouveau, spécial à l’empire. C’était la révolution qui, depuis la guerre de l’indépendance de l’Amérique, avait fait de la politique extérieure la servante de celle du dedans et de la guerre un déversoir à l’inquiétude de l’esprit français. Aucun de nos