et du Danemark par le vote des pays en litige ; après la grande lutte de 1866, ne pouvant l’imposer à la Prusse, il faisait faire un plébiscite en Vénétie avant l’annexion à l’Italie. Pour Napoléon III, le suffrage universel était une sorte de panacée applicable à toutes les situations ; c’était le juge suprême auquel, dans leurs débats, devaient recourir les peuples et les princes. Il n’est pas besoin de montrer ce qu’il y avait d’excessif dans ce culte du dernier empereur pour l’instrument de domination qui l’avait si bien servi. Dans les questions de nationalité même, il est des pays, comme l’Autriche ou la Turquie, où les peuples sont si mêlés qu’il serait difficile d’abandonner le règlement de leur sort à un simple vote de majorité. Ailleurs on ne peut accepter qu’un caprice passager ou un calcul de l’esprit de parti, comme chez nous une commune de Paris ou une ligue du midi, suffise à détacher d’une nation homogène un de ses membres essentiels. Cependant entre la France et l’Allemagne, en cas de prétention de l’une sur l’autre, l’application du suffrage universel n’aurait pu susciter de graves objections ; il n’eût guère fait que consacrer la frontière existant avant 1870. Malgré ses imperfections, le vote populaire, auquel Napoléon III n’eût pu renoncer, aurait été, dans une victoire de la France, une garantie pour l’Europe et pour l’Allemagne elle-même. C’eût été au moins un frein dans la conquête. A défaut de territoires heureux d’être rendus à leur mère-patrie, il n’aurait permis d’autre annexion que celle de pays indifférens, sans conscience nationale bien nette, tels que le duché de Luxembourg. Par là, la liberté des peuples eût eu moins à craindre du triomphe de la France que de celui de la Prusse.
L’emploi du suffrage universel dans le règlement des affaires internationales donnait à la politique impériale une unité faite pour séduire un esprit systématique. Le principe de nationalité lui rendait à l’extérieur un rôle analogue à celui que les circonstances lui avaient fait au dedans. A l’étranger ainsi qu’à l’intérieur, l’idée napoléonienne, comme disait ambitieusement le prisonnier de Ham, se réduisait à ces deux mots, sans cesse répétés dans ses premiers écrits et si fatalement démentis par son règne, reconstitution et réconciliation, le tout sur la base des principes de la révolution française. Le bonapartisme aboutissait ainsi à une synthèse générale, à une formule universelle, identique pour la politique étrangère et intérieure, pour la France et l’Europe : reconstitution des peuples, fondée sur la volonté nationale, au dedans comme au dehors, et cela à l’aide du même instrument, le suffrage universel, appliqué à la désignation de la nationalité aussi bien qu’à celle du prince et du gouvernement ; — réconciliation des peuples entre eux, et, au dedans, des classes entre elles, grâce à une égale satisfaction des droits et des intérêts de tous, par les soins d’un pouvoir