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du règne de Louis-Philippe, chez le plus fervent des rares partisans du second empire avant son triomphe, chez l’adepte inspiré qui, aux jours d’abattement, fortifiait la foi du maître. Dans les premiers élans de sa conversion à l’impérialisme, avant même d’être en rapport avec le futur empereur, M. Fialin de Persigny exposait dans un style encore plus mystique des vues analogues à celles des Idées napoléoniennes, qui n’avaient point encore été écrites. La mission à laquelle le nouvel apôtre invitait l’empire ressuscité, loin de se borner à la France, s’étendait à l’Europe entière, « de Burgos à la Moskovva, » et « dans l’évangile impérial » il retrouvait « tout le symbole des nationalités occidentales[1]. » Les adversaires de l’empire le poussaient dans la même voie. En 1848, les démocrates assuraient au président de la république que c’était pour ce rôle d’initiateur de la révolution que le peuple lui avait donné six millions de suffrages. « C’était, lui écrivait un des futurs chefs de la commune de Paris, pour prendre en main la cause des peuples, réclamer la liberté de l’Italie, de la Hongrie, de la Pologne[2]. » Le président ne pouvait répondre à ces excitations ou à ces reproches des démagogues : il ne se sentait pas encore assez le maître, mais la leçon n’en était pas perdue pour lui. Les révolutionnaires lui enseignaient eux-mêmes l’art de faire dériver la révolution à l’étranger. Il devait essayer de le mettre en pratique, et en cela encore suivre les exemples du premier empire ; mais avant tout, comme le premier consul, il voulait clore la révolution à l’intérieur en confisquant à son profit la souveraine puissance. Pour cela, il fallait déguiser ses vues ; porté au pouvoir par le besoin d’ordre et de repos, il fallait se montrer uniquement préoccupé d’assurer la tranquillité publique. Afin d’obtenir les moyens de reprendre un jour contre la vieille Europe la révolution avortée de 1848, il fallait provisoirement se prêter aux volontés de la réaction partout victorieuse. A une intervention en faveur de l’indépendance italienne, l’ancien conjuré des Romagnes dut laisser substituer une expédition contre la révolution romaine au profit de ce pouvoir temporel des papes contre lequel il s’était lui-même insurgé. L’expédition de Rome fut le gage donné par le prétendant aux passions de la réaction, aux préjugés conservateurs, aux exigences ecclésiastiques. Par cette fatale occupation, qui pendant vingt ans pesa si lourdement sur sa politique et en déjoua tous les calculs en lui rendant impossible l’alliance italienne, Louis-Napoléon conclut avec l’église, les cléricaux et les

  1. L’Occident français, préface du premier et unique numéro d’un recueil, fondé pour relever le bonapartisme par M. Fialin, depuis M. de Persigny ; Paris, 1834. Paul Dupont.
  2. Lettre de M. Félix Pyat. à M. Louis-Napoléon Bonaparte ; Paris 1851. Ch. Banet.