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mémoire : le nom de Pulchérie fut inscrit sur le catalogue des saints, ce livre d’or du christianisme.


V

La tourmente qui emportait l’empire romain emporta du même coup la famille de Théodose, le dernier des grands empereurs. Sa branche orientale venait de s’éteindre de mort naturelle avec Pulchérie : les vices de Valentinien III amenèrent la fin de la branche d’Occident. Livré à des passions brutales, le fils de Placidie, digne frère d’Honoria, s’était épris de la femme du sénateur Maxime et lui fit violence : Maxime le tua, s’empara de la pourpre, et, pour comble d’outrage, força la veuve de Valentinien, Eudoxie, à l’épouser. Mais celle-ci méditait une vengeance plus grande encore, puisqu’elle devait retomber sur l’empire : elle appela Genséric à son aide, lui livra Rome et partit elle-même avec ses deux filles, toutes trois captives des Vandales. Quand ces nouvelles arrivèrent à l’impératrice Eudocie dans son palais de Jérusalem, elle resta comme anéantie : son orgueil fléchit sous cette fatalité de crimes et de malheurs, et elle s’accusa d’avoir allumé par ses fautes la colère de Dieu qui s’appesantissait si cruellement sur toute sa postérité. Pleine d’angoisse et de trouble, elle envoya le chorévêque de Jérusalem, Anastasius, consulter en son nom un saint personnage qui était le conseiller ordinaire des rois et des peuples dans leurs calamités, pour savoir de lui comment elle pourrait détourner ce courroux suspendu sur elle et sur les siens. Le saint personnage s’appelait Siméon, et on l’avait surnommé le Stylile, parce qu’il habitait au-dessus d’une colonne ou style à quinze lieues environ de la ville d’Antioche.

Siméon avait été autrefois pâtre dans les vallées du mont Amanus, puis, saisi d’une passion inextinguible de solitude et d’austérités, il était allé s’enterrer tout jeune encore dans un couvent de cénobites. Là, sa passion ne fut point satisfaite ; la vie y était trop douce à son gré, et les rigueurs qu’il s’imposait contrairement à la règle de la maison lui ayant valu le blâme de son supérieur, il quitta le monastère et courut vivre en anachorète sur le sommet d’une montagne. Il y mena un régime si étrange et soumit son corps à de telles tortures qu’il ne fut bientôt plus question dans la contrée que de l’anachorète du mont Télanisse ; c’était la montagne qu’il habitait. L’enclos de terre sèche dans lequel il s’était enfermé garantissait à peine Siméon de la foule des curieux accourus pour l’admirer, toucher comme une relique le vêtement de peau qui le couvrait, et se recommander à ses prières. Désireux d’échapper à