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alors se souleva et la guerre devint terrible. Elle céda enfin aux procèdes conciliant d’un nouveau gouverneur envoyé pour remplacer l’ancien. Florus, tel était son nom, promit de faire lever l’interdit qui pesait sur Alexandrie, et, par des concessions, prudemment ménagées, obtint le rétablissement de la paix. Ce fut un désarmement politique, mais non une pacification religieuse. Protérius eut besoin de sévir contre son clergé, ses moines et ses suffragans, dont il déposa les plus mutins : les moines surtout, opposans obstinés, éprouvèrent ses rigueurs. La haine que lui portaient les eutychtens menaçant à chaque instant sa vie, le préfet lui donna une garde personnelle, et l’on put voir dans le second siège de l’Orient célébrer les saints mystères, sous la protection de soldats bien souvent ariens ou païens.

Tandis que ces choses se passaient en Égypte, la Palestine aussi se révoltait, et l’on eût pu croire à une triste émulation de désordre entre Alexandrie et Jérusalem. Nous nous arrêterons avec plus de détails sur ces derniers événemens, parce qu’il doit y figurer un personnage important de nos récits, l’impératrice Eudocie, que nous rencontrons toujours en opposition, pour tout ce qui touche le plus le cœur d’une femme, la religion et l’amour, avec celle qu’elle appelait sa sœur, et qui l’avait élevée sur un des deux trônes de l’univers.

La Palestine, province essentiellement monastique et peuplée de couvens et d’ermitages dans ses déserts comme dans ses villes, n’avait pas été la dernière à se précipiter dans le mouvement eutychien. Dès le premier concile d’Éphèse, elle s’était déclarée contre Nestorius, qui lui semblait l’antéchrist, et contre ses partisans, dans lesquels elle voyait les maudits de l’Apocalypse marqués du sceau de la bête. Au deuxième concile d’Éphèse, elle avait suivi Dioscore, et elle accueillit la condamnation de ce patriarche comme une résurrection du nestorianisme. Tous les bruits qui arrivaient du concile de Chalcédoine, — et ils venaient presque tous par des moines voyageurs, — entretenaient la Palestine dans l’idée que cette assemblée était nestorienne, le pape Léon et ses légats nestoriens, l’empereur enfin et sa compagne Pulchérie des nestoriens déclarés. L’impératrice Eudocie, retirée à Jérusalem depuis la mort de Théodose, partageait, à bien des égards le préjugé public. Elle savait par expérience combien sa belle-sœur était l’ennemie d’Eutychès et de cette doctrine, qu’elle-même au contraire avait constamment favorisée. Les deux Augusta s’étaient fait à ce sujet une guerre très vive lors du procès de l’archimandrite à Constantinople et de son triomphe au brigandage d’Éphèse. Tout prédisposait donc la veuve de Théodose, à embrasser le parti d’opposition au concile, et