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pour une seconde, décidé cette fois à respecter moins religieusement. la coutume et les droits électoraux des habitans. D’accord avec quelques notables et certains clercs influens, il réunit, un jour donné, une assemblée électorale entièrement à sa discrétion ; on produisit devant elle un candidat qu’elle nomma, et que les quatre évêques intronisèrent ; Ce fut l’œuvre d’un instant. Le candidat était un vieillard nommé Protérius, archiprêtre de l’église, et qui en avait géré les affaires pendant l’absence de Dioscore. Ces fonctions lui avaient valu sinon l’amour, du moins le bon vouloir des membres du clergé avec lesquels elles le mettaient personnellement en rapport ; aussi ne s’éleva-t-il de leurs rangs aucune protestation violente. Protérius était d’ailleurs un homme digne d’estime et un zélé catholique.

La surprise avait donc bien réussi jusque-là en mettant les opposans en défaut ; mais à peine Protérius avait-il reçu l’imposition des mains et coiffé cette tiare adoptée depuis Cyrille par les patriarches d’Alexandrie à l’instar des évêques de Rome, qu’un grand désordre vint troubler la cérémonie. Le peuple, informé de ce qui se passait, se jeta en tumulte sur l’église, puis sur la demeure des magistrats, qui recoururent à la force armée, mais la sédition s’accrut d’heure en heure. Les soldats, d’abord victorieux, bientôt repoussés, se retranchèrent dans l’ancien temple de Sérapis devenu l’église de Saint-Jean-Baptiste, et s’y défendirent. Les séditieux en firent le siège, et, ne pouvant forcer les portes, mirent le feu au bâtiment : les assiégés furent tous brûlés vifs. Le châtiment de cette barbarie ne se fit pas attendre. L’empereur, informé de tout, supprima au peuple d’Alexandrie les distributions gratuites que l’état lui faisait sur le produit de l’annone ; il interdit aussi les spectacles, ordonna la fermeture des thermes publics, et suspendit les privilèges de la cité. La sédition dès lors se changea en révolte. Les partisans de Dioscore ayant menacé d’arrêter les blés qu’on dirigeait sur Alexandrie pour l’alimentation de Constantinople, Marcien prescrivit qu’on les amènerait dès lors à Peluse, ce qui mit la famine dans Alexandrie. Pour l’exécution de ses ordres, l’empereur fut obligé d’augmenter la garnison de la ville ; on embarqua précipitamment à Constantinople 2,000 hommes de nouvelles recrues, et leur traversée s’opéra par un vent si favorable qu’en six jours, nous dit l’histoire, cette troupe atteignit le port d’Alexandrie ; toutefois cette augmentation de forces n’amena qu’une augmentation de désordres. Ces nouveaux soldats, rudes et mal façonnés à la discipline, se conduisirent envers les Alexandrins avec la dernière brutalité. Ils outragèrent les femmes et les filles, et commirent en un mot tous les excès d’une soldatesque sans frein. Tout le monde