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promptement ce débat. — Je suis d’avis, dit Anatolius, que ni Bassianus, ni Etienne, ne soient reconnus évêques d’Éphèse, car ils se sont intrus contre les canons : on en élira un troisième, les deux autres conserveront le titre d’évêque, et seront nourris aux dépens de l’église. » Les légats opinèrent de même. Les magistrats alors firent apporter l’Évangile, conjurant les membres du concile de juger suivant leur conscience. Anatolius redit une seconde fois son avis, que toutes les voix acclamèrent. La sentence fut ensuite prononcée par les magistrats. Elle portait : 1° que ni Etienne ni Bassianus ne remonteraient sur le siège d’Éphèse, mais que la dignité d’évêque leur serait conservée, et qu’ils recevraient pour leur nourriture et leur entretien une somme annuelle de deux cents sous d’or prélevés sur les revenus ecclésiastiques ; 2° qu’un troisième évêque serait nommé suivant les canons : le décret ne spécifia point où il serait nommé et par qui toutefois on l’interpréta en ce sens que l’ordination n’aurait pas lieu dans la province.

Éphèse était donc dépouillée de ce droit patriarcal dont elle avait si étrangement abusé et soumise au siège de Constantinople. Qu’advint-il des malheureux évêques d’Asie ? Ils protestèrent, sans doute pour sauver leur existence et celle de leurs familles, contre la décision synodale et contre l’assemblée qui l’avait rendue. Trois ans ne s’étaient pas écoulés qu’un concile schismatique, prenant la revanche de Chalcédoine, réintégrait Éphèse dans la plénitude de sa vie électorale.


IV

Le concile de Chalcédoine n’avait pas encore achevé sa session que déjà des troubles religieux éclataient dans plusieurs parties de l’empire d’Orient : c’était une réaction eutychienne contre la définition de foi si laborieusement construite et contre la déposition de Dioscore. Constantinople, Alexandrie et Jérusalem étaient les foyers de ce mouvement d’opposition, et cette opposition accusait le concile d’être nestorien, la lettre du pape de contenir des erreurs nestoriennes, l’empereur et l’impératrice, en un mot, de vouloir rétablir l’hérésie de Nestorius. Les monastères servaient partout d’officines à ces calomnies. Dans la ville impériale, grâce aux mesures promptes et vigoureuses de l’autorité, l’agitation fut réduite aux proportions d’une révolte de moines ; mais en Égypte et en Palestine, où le peuple y prit part, ce fut la guerre civile avec tout son cortège d’assassinats, de massacres et d’incendies.

Le lecteur se rappelle sans doute ces moines schismatiques qui, sous la conduite de leurs abbés, Carosius, Dorothée et Maxime,