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les rangs des Orientaux. « Que vous faut-il donc ? crièrent les partisans du projet ; l’esprit et les termes de cette définition sont inattaquables ; anathème à qui ne croit pas ainsi ! » Anatolius de son côté s’épuisait en objurgations. « Hier, disait-il, ce projet plaisait à tout le monde, comment peut-on le condamner aujourd’hui ? c’est faire et défaire perpétuellement la même chose. » Les murmures continuaient, et les légats appuyaient par leur attitude l’opposition des Orientaux. Jean, évêque de Germanicia dans l’Euphratésienne, s’étant approché des magistrats pour leur dire quelques mots en particulier, les partisans du projet s’écrièrent : « Hors d’ici les nestoriens ! hors d’ici les ennemis de Dieu ! » Ceci s’adressait à Jean, lié d’une amitié intime avec Théodoret et évêque d’une ville qui avait été la patrie de Nestorius. Cette attaque souleva une tempête dans l’assemblée. Les partisans du projet, traitant de nestoriens ceux qui le combattaient, voulaient qu’on les mît dehors. Un courant violent emportait évidemment l’assemblée vers la formule de deux natures, opposée à celle du pape Léon. Paschasinus, se levant alors, dit au concile : « Si vous repoussez ainsi la lettre du bienheureux évêque de Rome, nous demandons acte de votre opposition pour retourner chez nous et tenir le concile en Occident. » Cette déclaration effraya les magistrats, qui virent menacée l’existence même du concile. Une si laborieuse session, tant d’efforts de la part du gouvernement pour amener le rapprochement des esprits, allaient donc aboutir à un avortement honteux. Ils dépêchèrent vers l’empereur le secrétaire consistorial, Béronicien, pour obtenir un rescrit du prince qui tranchât nettement la question.

Béronicien revint du palais peu de temps après, porteur d’un ordre souverain. L’empereur enfin ordonnait. Il voulait que le concile désignât immédiatement trois commissaires pour chacun des diocèses de Pont, d’Asie, de Thrace et de d’Illyrie, et six pour celui d’Orient, et que ces dix-huit commissaires, auxquels s’adjoindraient le patriarche de Constantinople, les trois légats et le prêtre romain qui leur servait de notaire, procédassent séance tenante à la rédaction d’un projet définitif en présence des magistrats. « Si la chose ne se faisait pas, ajoutait Béronicien au nom de l’empereur, il fallait que tous les évêques exposassent leur croyance par la bouche de leurs métropolitains, et en cas d’opposition nouvelle l’empereur avait résolu de transporter le concile en Occident. » Une grande émotion suivit les paroles du secrétaire consistorial. L’idée de venir individuellement réciter leur confession de foi, soit devant l’assemblée, soit devant le métropolitain, qui s’en porterait garant, convenait médiocrement aux évêques ; ils y virent une source d’arguties et d’attaques, et mieux valait, pensèrent-ils, faire des concessions sur les