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rier de la pire espèce, qui depuis quatre ans n’a fait qu’ourdir des conspirations, le vieux Lozada, gouverneur de Tepic, un ancien chef de brigands que M. Juarez croyait avoir gagné à sa cause en le confirmant dans ses pouvoirs usurpés, tous ces flibustiers ne demandaient pas mieux que de faire cause commune avec les rebelles et de pêcher en eau trouble. Au Mexique, la guerre civile n’est le plus souvent qu’un prétexte pour piller les caisses publiques, arrêter les diligences, fusiller les gens qu’on n’aime pas, enfin pour assouvir toutes les passions qui ne trouvent pas leur compte dans un ordre de choses régulier.

Le congrès devait s’ouvrir au mois de septembre. Les trois candidats réunissaient des sommes considérables pour acheter les votes. M. Juarez protestait contre les votes de plusieurs états dont les gouverneurs lui étaient notoirement hostiles et avaient pesé sur les élections ; de son côté, la commission permanente, composée en majorité de lerdistes, protestait contre les irrégularités commises dans le district fédéral de Mexico et dans d’autres états, accusant le président d’avoir intimidé le suffrage et d’avoir employé l’argent du trésor à « chauffer » son élection.

Vers la fin de septembre, le congrès, après avoir dûment vérifié les votes, confirma les pouvoirs de M. Juarez, Ce fut le signal de la révolution. Tout d’abord le général Parras se leva dans Sinaloa ; il s’était trop hâté, et l’émeute fut facilement écrasée par le gouverneur. Ensuite vint le tour de la garnison d’Ayolla, place située à 25 kilomètres de Mexico, dont la tentative n’eut pas plus de succès. Le 1er octobre, dans l’après-midi, la révolte éclatait à Mexico même. Les 400 gendarmes qui gardaient la prison de la ville (acordada) se mutinèrent sous la conduite du major Almendarès, s’emparèrent de la citadelle et s’y barricadèrent avec l’assistance de 800 prisonniers qu’ils avaient mis en liberté. C’était un dimanche ; le ministre de la guerre, M. Mejia, se trouvait à la campagne, et M. Juarez fut obligé de donner lui-même les ordres nécessaires. Le gouverneur Castro ne tarda pas à reprendre l’acordada ; cependant on vint l’avertir que le général Rivero était aux portes de la ville avec un corps d’insurgés : il se porta immédiatement à sa rencontre et réussit à le repousser, mais il fut tué dans l’action. Vers minuit, le général Rocha avait réuni assez de troupes pour monter à l’assaut de la citadelle, qui fut reprise après un combat sanglant ; il y perdit 500 hommes, et avant dix heures du matin on avait passé par les armes plus de 250 insurgés, notamment tous les officiers et sergens. Les chefs de l’insurrection, les généraux Negrete, Toledo, Echevarria, avaient pu s’échapper. Le gros des troupes présentes à Mexico n’avait pas bronché ; autrement les prisonniers délivrés auraient pu faire beaucoup de mal aux habitans.

Tandis que la révolution était ainsi réprimée à Mexico, elle triomphait dans les états du nord. Pedro Martinez avait rassemblé sur les frontières de San-Luis une bande de socialistes du cru, lesquels lançaient des proclamations incendiaires modelées sur celles de la commune de Paris. Un