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monde, il n'était même plus dangereux pour l'Italie. Il disparaît, laissant le souvenir de l'existence la plus mystérieuse, la plus tourmentée, et un nom qui restera le symbole de toutes les machinations ténébreuses.

CH. DE MAZADE.




LE MEXIQUE EN 1872.

Depuis soixante ans, les républiques hispano-américaines offrent le désolant spectacle d'une perpétuelle et irrémédiable anarchie. Maîtresses d'un vaste et riche territoire, à cheval sur deux océans, elles n'ont pas su profiter de leurs ressources naturelles pour arriver à un développement normal et paisible ; on dirait que le mélange du sang indien et du sang espagnol a produit une race indomptable, rebelle à la civilisation. La fédération mexicaine, par les crises incessantes qui l'agitent, découvre périodiquement à tous les yeux la dissolution progressive de cette société hybride. Après le court intermède de l'intervention française et du règne de Maximilien, imposé comme une mesure coercitive, on est retombé dans le chaos des compétitions présidentielles, des guerres intestines, du haut brigandage et du désarroi financier. A l'heure qu'il est, la lutte sévit plus furieuse que jamais, et les batailles se succèdent, toujours l'une moins décisive que l'autre.

Au milieu de ces péripéties, l'Indien Benito Juarez, le représentant du parti démocratique ou « constitutionaliste, » n'a pas cessé depuis 1858 de porter le titre de président de la république. On se rappelle que la constitution radicale de 1857 avait rétabli au Mexique le régime fédéral. Le président Comonfort, homme modéré, mais sans énergie, avait alors à côté de lui Juarez comme vice-président; quand, après avoir vu avorter son coup d'état, il dut quitter le Mex'que au commencement de 1858, Juarez adressa au pays une proclamation par laquelle il déclara que, conformément à la constitution, il prenait en main le pouvoir exécutif, tombé en déshérence. Ce ne fut cependant qu'au mois de janvier 1861 qu'il put entrer à Mexico après la défaite de son rival Miramon, le chef du parti conservateur. L'intervention française ne fit que le rendre plus populaire en le posant comme le champion de l'indépendance nationale ; pendant le règne de l'empereur Maximilien (de 1864 à 1867), il n'abdiqua jamais, et les États-Unis continuèrent de le reconnaître pour le chef légitime de la nation. En 1867, il fut enfin réélu pour quatre ans, malgré l'opposition du général Gonzalès Ortega, président de la cour suprême et en cette qualité vice-président de la république, qui prétendait succéder de droit à Juarez, comme ce dernier avait succédé à Comonfort en 1858. Il se débarrassa d'Ortega en le faisant arrêter. Kelâché au bout d'un an, Ortega se contenta de publier un manifeste, oia, tout en réservant ses droits, il répudiait les offres que lui faisait le