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n’était plus une question, si l’on veut. Il n’y avait, à proprement parler, aucune difficulté, puisque le gouvernement s’était déjà prononcé en désignant M. de Goulard comme représentant de la France à Rome ; mais enfin on avait si bien fait, les commentateurs de toute sorte s’étaient si bien ingéniés à tout embrouiller, à tout obscurcir, sous prétexte de tout expliquer, qu’on ne savait plus à quoi s’en tenir, qu’il finissait par en résulter une situation aussi embarrassante pour le gouvernement italien que pour le gouvernement français. Aujourd’hui tout cela est éclairci, l’affaire est réglée, et M. Fournier va définitivement partir pour Rome. L’affaire est-elle bien réglée en effet comme on pourrait le croire ? Oui certainement elle doit l’être ; seulement, comme tout doit être singulier dans cette question, il se trouve qu’au moment même où le gouvernement envoie son représentant auprès du roi Victor-Emmanuel au Quirinal, une commission de l’assemblée croit devoir insister pour provoquer un débat parlementaire sur des pétitions qui ne tendraient à rien moins qu’à réclamer une intervention de la France en faveur de la souveraineté temporelle du saint-siége. Ces pétitions, on les croyait ajournées indéfiniment ; pas du tout, elles tiennent au cœur de M. Chesnelong et de M. de Belcastel, La discussion s’ouvrira un de ces jours, on redira ce qu’on a déjà dit au mois de juillet dernier, on renouvellera des protestations aussi dangereuses qu’inutiles. Il y a de grands politiques à Versailles qui trouvent que la France a trop d’amis dans le monde, qu’elle n’a pas assez de difficultés sur les bras, et qui sont très passionnément, très obstinément occupés à préparer une manifestation dont l’effet ne peut être assurément de rendre au pape la puissance temporelle qu’il a perdue, mais qui pourrait en certains cas devenir une étrange manière de faciliter la mission de M. Fournier à Rome.

Qa’on recommence, si l’on veut, une discussion qu’on croyait avoir épuisée il y a huit mois ; la politique de la France s’attestera sans nul doute dans un simple ordre du jour qui écartera toutes les considérations blessantes pour l’Italie ; le gouvernement y aidera de tous ses efforts, de toute sa sagesse, l’assemblée elle-même refusera de sanctionner ces manifestations périlleuses auxquelles on voudrait la provoquer, et il y a une raison souveraine pour qu’on ne fasse rien : c’est qu’on ne peut et qu’on ne doit rien faire, c’est que ceux-là mêmes qui défendent le plus vivement les pétitions n’oseraient pas aller jusqu’au bout de leur pensée. Ce sont des esprits chimériques qui, dans l’illusion de leur fanatisme ou de leur foi, ne se rendent même pas compte des conséquences de ce qu’ils proposent. Que des évêques, que des prêtres se croient tenus de témoigner en faveur du saint-père, qu’ils regrettent pour le pipe la souveraineté temporelle perdue, ils sont dans leur rôle, ils considèrent la question au point de vue religieux et rien qu’au point de vue religieux. On sait du moins qu’ils sont liés par ce qu’ils regardent comme un devoir sacerdotal, et naturellement leur opinion n’a pas un