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toujours, et cela ne se peut évidemment que par un effort énergique de l’assemblée sur elle-même pour se préserver des confusions qui l’affaiblissent, par la fermeté du gouvernement dans la direction des affaires, par la bonne volonté de tous. M. de Guiraud, en interpellant l’autre jour le gouvernement sur la retraite de M. Pouyer-Quertier, a fait avec une discrétion incisive la critique de tout ce qui se passe en ce moment, et rien en vérité n’était plus facile. Il n’a pas vu seulement qu’il faisait la critique de l’assemblée elle-même en accusant M. Thiers de gouverner avec tous les partis, de ne pas aller planter son drapeau dans le camp de la majorité ! D’abord comment veut-on que M. Thiers gouverne autrement avec un régime dont l’essence est justement de n’être le triomphe d’aucun parti, de n’avoir d’autre objet qu’une œuvre de réorganisation nationale ? Mais de plus où est donc cette majorité dont on parle ? Sans doute il y a une majorité des grands jours qui se retrouve dans les momens difficiles où tout doit plier devant une nécessité impérieuse. Ce qui manque, c’est une majorité permanente, accoutumée à une action commune, ralliée autour de ce programme tout simple, tout tracé par les circonstances, qui pourrait se résumer en un seul point, la résolution inflexib’e de maintenir ce qui existe, d’écarter toutes les questions irritantes et périlleuses de constitution définitive tant qu’un fragment du territoire reste au pouvoir de l’ennemi.

Que l’assemblée, avertie par le danger des divisions qui la travaillent, forme en elle-même cette majorité, que le gouvernement, appuyé sur ce faisceau plus national que politique, se fortifie, se complète au besoin, donne une impulsion nouvelle à la marche des affaires, c’est là précisément ce qu’on ne cesse de demander. Il est bien certain que, si une majorité décidée de l’assemblée et le gouvernement’s’entendaient sur les deux ou trois points essentiels de la politique, tout serait singulièrement simplifié. La situation serait pour le moment assurée, et resterait à l’abri de ces oscillations qui réveillent perpétuellement une impression de doute et d’incertitude. Les incidens qui pourraient surgir à l’improviste ne seraient que des incidens, et n’auraient qu’une médiocre importance. M. Victor Lefranc serait libre de présenter sa loi sur la presse, la commission parlementaire serait libre de modifier cette loi, personne n’aurait l’idée qu’une crise sérieuse pût sortir d’une divergence dans une semblable question. M. Pouyer-Queriirr pourrait quitter le ministère des finances, il serait mêvsie suivi par quelques autres de ses collègues, dont la retraite n’affaiblirait certes pas le gouvernement ; ce ne serait pas une grosse affaire. En un mot, tout se régulariserait autant que possible, ce serait la subordination de tous les intérêts secondaires à l’intérêt supérieur, et M. Thiers pourrait tranquillement s’occuper du grand objet de toutes les pensées, de cette libération du territoire à laquelle nul ne songe plus que M. le président de la république. M. Victor Lefranc a prononcé récemment quelques mots qui