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IMPRESSIONS
DE VOYAGE ET D’ART

II.
SOUVENIRS DE BOURGOGNE.[1]


I. — TONNERRE. — LA MAISON DU CHEVALIER D’ÉON.

Tonnerre est, comme Joigny, une petite ville escarpée et montueuse, mais c’est à ce caractère général que se borne la ressemblance. Il y a dans l’aspect de Joigny plus d’énergie et de roideur; il y a dans celui de Tonnerre plus de vivacité et de brusquerie. Il lui faut grimper comme Joigny pour atteindre à son sommet, qui est la terrasse de l’église de Saint-Pierre, bâtie sur un rocher; mais il y grimpe sans efforts, d’une allure leste, avec une pétulance hardie et une pointe de crânerie bourguignonne très marquée. Il y manque la paisible rivière de l’Yonne pour tempérer d’une nuance de repos cette pétulance : ici l’Yonne est remplacée par l’Armançon, petit cours d’eau qui enlace la ville avec taquinerie, comme s’il voulait la garrotter. Lié aux pieds par l’Armançon, sa tête qui se dresse fière et mutine n’est cependant pas libre de voir ni très loin ni très haut. De toutes parts, des collines et des monticules d’une verdure sombre et d’un aspect agréablement farouche lui font une sorte de prison naturelle. Ainsi doublement enserrée et par les plis humides de son Armançon et par la ceinture de ses collines, la vive petite ville ressemble à un jeune homme remuant, gêné dans la li-

  1. Voyez la Revue du 1er mars.