le monde à la fois à cause de l’utilité gratuite, agrandissant sans cesse le cercle de la production et tombant sans cesse dans le domaine de la communauté. Or ce qui devient commun profite à tous sans nuire à personne, on peut même ajouter, et cela est mathématique, profite à chacun selon sa misère antérieure. Encore que la terre soit nominalement appropriée, son action productive ne peut l’être, elle reste gratuite à travers toutes les transactions humaines. » La gratuité toujours persistante ne saurait donner de bénéfices à personne. Les sauvages précisément consomment sans produire la rente du sol et tous ces biens fournis gratuitement par la nature, et n’en sont certes pas plus riches.
Le travailleur civilisé produit évidemment plus qu’il ne peut consommer, parce que ses facultés dépassent ses besoins ; d’un autre côté, la possibilité de consommer est strictement limitée par un fait brutal, elle ne peut s’obtenir que par argent ou par concession d’une utilité ou valeur quelconque. Pour acquérir cette valeur ou cette utilité, il faut échanger avec bénéfice cet excédant de production, c’est-à-dire le vendre ; mais à qui ? Au riche, au lettré, en un mot à ces classes de consommateurs qui vivent sans travail manuel et sans fournir aucun de ces produits matériels et positifs émanant de la seule main-d’œuvre.
La société a enfanté le capitaliste et le propriétaire, la civilisation a inventé l’exportation et le commerce international. La question du salaire n’est donc pas tout pour les travailleurs. « Si vous voulez leur faire le maximum de bien, a dit M. Gladstone, vous devez plutôt opérer sur les articles qui leur assurent le maximum d’emploi. » Que veut dire l’emploi, si ce n’est l’assurance des débouchés et d’une consommation rémunérée ? Aussi, découvrir des consommateurs est toute la préoccupation de la politique commerciale des Anglais, qui s’y connaissent, et qui, ayant réussi à en trouver, sont les premiers par la richesse. Au contraire les Espagnols de Charles-Quint, croyant à la valeur spécifique de l’or, dont ils étaient inondés par le Nouveau-Monde, furent réduits à la pauvreté et tombèrent en décadence pour avoir négligé de produire plus qu’ils ne consommaient. Tout en ayant beaucoup d’or, ils ne possédaient presque pas de capitaux, car le capital effectif et réel n’est guère, commercialement parlant, que la somme des produits placés, consommés et payés, ajoutés aux instrumens de production.
On se préoccupe trop parmi nous de la répartition et pas assez de la création des richesses. Pourtant cette question du consommateur est tellement dans la nature des choses qu’elle se dissimule même sous les formules hypocrites et confuses inventées pour embarrasser les esprits et troubler les consciences. Le droit au travail, qu’est-il