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partie n’en sera pas perdue pour ceux-là mêmes qui voudraient porter une main téméraire sur ce magnifique butin. Bastiat ne l’a-t-il pas dit déjà dans ses Harmonies économiques? « C’est une grande illusion de croire que le capital soit une chose existant par elle-même. Un sac de blé est un sac de blé, encore que, selon les points de vue, l’un le vende comme revenu et l’autre l’achète comme capital. » D’ailleurs il ne faut pas confondre le capital proprement dit, ou les utilités et la valeur des biens possédés, avec les capitaux disponibles et d’exploitation, expression concrète indiquant cette richesse circulante, échangeable et mobile qui se compose de revenus et d’épargne. Cette distinction est toutefois difficile à maintenir dans le détail, car le capital et le revenu sont alternativement le père l’un de l’autre, et cette paternité mutuelle est souvent délicate à discerner.

Considérons d’abord la richesse mobilière et commerciale. Pas de système qui puisse la partager; ni Internationale, ni république radicale n’y parviendront jamais, parce que de sa nature cette richesse est insaisissable pour quelque cupidité que ce soit : elle n’existera plus du jour où l’on voudra s’en emparer par la violence. Prosélytes naïfs, dupes éternelles des criminels rhéteurs qui veulent à vos dépens devenir ministres, généraux, préfets, dictateurs et le reste, touchez à ces milliards d’actions, de rentes, d’obligations, de titres de tout genre, et vous n’aurez plus entre les mains que des chiffons de papier sans valeur. Supposons la commune victorieuse à Paris, et, comme conséquence, l’internationale installée au pouvoir. Un décret décide que toutes les propriétés, biens meubles et immeubles, seront distribuées gratis et également à tous les citoyens, ou bien confisquées et mises en vente au profit de l’état ou encore réservées à la collectivité. En quelques mains que passe la totalité des biens, quel que soit le mode employé pour faire fructifier et mettre en activité la richesse, on conçoit facilement que, les 7 milliards de produits demeurant seuls à partager, la part hypothétique de chacun ne serait jamais que le trente-huit-millionième des produits annuels, basa réelle de la fortune publique. Par le fait même du décret spoliateur, il ne resterait de richesses positives, ta part les propriétés bâties et les instrumens, que les produits annuels de la France, sans compter qu’une telle dise paralyserait en grande partie la production.

La répartition des terres elles-mêmes n’amènerait aucun profit pour personne, parce que le revenu utile en est compris dans l’estimation des produits généraux, dont la partie agricole n’augmenterait certes pas de valeur par le système des confiscations proposées, loin de là, à moins que l’on n’espère voir une fée venir doubler