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ceux qui prêchent une nouvelle répartition de la richesse et ce qu’on appelle la liquidation sociale, aussi bien que de remettre en lumière certains faits et certaines propositions économiques dont la vérité, négligée jusqu’ici ou seulement pressentie d’instinct, demande à être plus nettement dégagée. Malheureusement la science jusqu’à ce jour ne fournit pas de chiffres et de données statistiques suffisamment incontestables pour les prendre comme point de départ ou les invoquer à titre de preuves. On est donc réduit à s’en tenir aux déductions spéculatives, aux raisonnemens, auxquels on peut toujours opposer d’autres raisonnemens, parfois même de séduisans paradoxes qu’il est souvent impossible de combattre sans un appareil compliqué d’interminables discussions. A défaut d’axiomes ou de chiffres incontestés pour asseoir la base solide que nous cherchons, nous aurons recours à des vérités dont la démonstration pourra, croyons-nous, être clairement établie.

Dans une nouvelle et radicale répartition des richesses, on prétend trouver le remède à tous les maux de l’humanité; s’il est prouvé que cette répartition est chimérique, qu’elle appauvrit la communauté et les particuliers, loin d’améliorer leur sort, — à quoi bon la demander? Certaines écoles réclament impérieusement l’augmentation générale et simultanée des salaires et se flattent de pouvoir l’opérer; s’il est démontré que, les salaires sont sensiblement égaux aux produits et aux revenus réels, où prendra-t-on la matière de l’augmentation désirée? On sera donc autorisé à conclure que le champ des confiscations ou même des répartitions plus ou moins illégales en matière de richesse accessible est très borné, et que, s’il est permis à des spoliateurs révolutionnaires de ruiner une société qui se mettrait à leur merci, il leur est interdit par la force des choses de s’enrichir eux-mêmes. Restera toutefois à démontrer la sagesse des combinaisons dues à la civilisation moderne, l’utilité du capital et du capitaliste, également indispensables pour assurer le bénéfice de la main-d’œuvre en consommant l’excès de la production du travailleur sur sa propre consommation.

Tel est le double aspect des questions multiples que nous avons cherché à grouper en un corps de raisonnemens, et qui se tiennent toutes par un enchaînement qu’on ne saurait rompre. Quoique les nombres fournis par la statistique n’offrent qu’une certitude très discutable, et que les moyens de contrôle fassent souvent défaut, nous présenterons sous toutes réserves quelques chiffres choisis dans les travaux les plus autorisés, afin de satisfaire les esprits qui n’aiment pas à se renfermer dans le domaine des pures abstractions.