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les terres se classèrent ainsi en quatre catégories, suivant la nature des services rendus par l’occupant à celui dont il dépendait : 1° si ce service était noble, militaire (servitium militare), le fief équivalait à notre fief d’haubert; 2° il y eut les terres de franc-socage, où l’occupant était encore libre, mais devait des services non militaires; au-dessous étaient les deux degrés de villenage, 3° le villenage pur et 4° le villenage privilégié. Ces quatre tennres se réduisirent peu à peu à trois : 1° la tenure militaire ou de chevalerie; 2° le franc-socage; 3° le villenage se transforma dans la tenure qui a pris le nom de copyhold.

Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, la plus grande partie des terres anglaises fut occupée par des tenanciers de la première espèce. Au début, le possesseur du fief devait au moins quarante jours de guerre par an; sa terre n’était point libre, elle passait de droit à l’héritier, qui était le fils aîné, s’il y avait plusieurs enfans. Pendant la minorité, le lord suzerain était le tuteur légal, il gardait la terre et disposait des revenus sans avoir à rendre de compte, il pouvait marier le vassal ou se faire payer le consentement à son mariage; il percevait le droit de rançon, s’il était prisonnier, un droit pour la prise d’éperons de son aîné, un autre pour le mariage de sa fille aînée, les aides, les reliefs, des droits de mutation, de succession, d’entrée en possession, etc. Arrivé à sa majorité, le tenancier pouvait aliéner la terre, mais le lord conservait tous ses privilèges vis-à-vis du nouveau possesseur. Les services militaires se changèrent peu à peu en impôts; dès Henry II, on commençait à s’abonner, à payer l’escuage. Quand le roi faisait la guerre, il levait l’impôt de guerre sur tous les propriétaires. Le roi Jean s’engagea pourtant dans la grande charte à ne pas demander d’escuage sans le consentement du parlement. Tous les droits féodaux, si oppressifs, si nombreux, qui s’étaient attachés comme une lèpre à la tenure chevaleresque, ne furent définitivement abolis qu’à la restauration, quand Charles II chercha une récompense pour les cavaliers restés fidèles à la cause royale. L’acte qui détruisit la tenure militaire et ses conséquences mérite certes une place aussi importante que la grande charte dans l’histoire d’Angleterre.

Il ne resta donc plus que le franc-socage et le villenage. La terre de franc-socage est devenue aujourd’hui le freehold (terre tenue librement). Les services de la tenure militaire étaient, par la nature même du contrat chevaleresque, indéterminés; la tenure de franc-socage, moins noble, fut en réalité la plus heureuse, la plus rapprochée de la vraie propriété : elle n’était grevée que de servitudes déterminées, jours de labour dus au seigneur, rente en nature ou en argent, etc. Pendant les minorités, la tutelle appartenait non