Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/387

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des chimères. Les sources de la chaleur animale sont partout et nulle part d’une manière exclusive. Ce n’est que par l’harmonisation fonctionnelle des divers organes que la température se maintient à peu près fixe chez l’homme et les animaux à sang chaud. Il y a en vérité autant de foyers calorifiques qu’il y a d’organes et de tissus particuliers, et nous devons partout relier la production de chaleur avec le travail fonctionnel des organes. Quand un muscle se contracte, quand une surface muqueuse, une glande sécrètent, il y a invariablement production de chaleur en même temps qu’il se produit une suractivité dans les phénomènes circulatoires locaux.

En est-il de même pour le système nerveux et pour le cerveau ? Des expériences modernes ne permettent pas d’en douter. Chaque fois que la moelle épinière et les nerfs manifestent la sensibilité ou le mouvement, chaque fois qu’un travail intellectuel s’opère dans le cerveau, une quantité de chaleur correspondante s’y produit. Nous devons donc considérer la chaleur dans l’économie animale comme une résultante du travail organique de toutes les parties du corps ; mais en même temps elle devient aussi le principe de l’activité de chacune de ces parties. Cette corrélation est surtout indispensable pour le cerveau et le système nerveux, qui tiennent sous leur dépendance toutes les autres actions vitales. Les expériences ont montré que le tissu du cerveau présente la température la plus élevée de tous les organes du corps. Chez l’homme et les animaux à sang chaud, le cerveau produit lui-même la chaleur qui est nécessaire à la manifestation de ses propriétés de tissu. S’il n’en était pas ainsi, il se refroidirait infailliblement, et on verrait aussitôt toutes les fonctions cérébrales s’engourdir, l’intelligence et la volonté disparaître. C’est ce qui arrive chez les animaux à sang froid, chez lesquels la fonction de calorification n’est pas suffisante pour permettre à l’organisme de résister aux causes de refroidissement extérieures.


III.

Sous le rapport des conditions organiques ou physico-chimiques de ses fonctions, le cerveau ne nous présente donc rien d’exceptionnel. Si maintenant nous passons à l’expérimentation physiologique, nous verrons qu’elle parvient à analyser les phénomènes cérébraux de la même manière que ceux de tous les autres organes. Le procédé expérimental le plus généralement mis en pratique pour déterminer les fonctions des organes consiste à les enlever ou à les détruire d’une façon lente ou brusque, afin de juger des usages de l’organe d’après les troubles spéciaux apportés dans les phéno-