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culatoires sont essentiellement différens. Des observations nombreuses, prises dans les appareils les plus divers, ont mis ces faits hors de doute. Lorsque par exemple on examine le canal alimentaire d’un animal à jeun, on trouve la membrane muqueuse qui revêt la face interne de l’estomac et des intestins pâle et peu vascularisée ; pendant la digestion au contraire, on constate que la même membrane est très colorée et gonflée par le sang, qui y afflue avec force. Ces deux phases circulatoires, à l’état de repos et à l’état de fonctions, ont pu être vérifiées directement dans l’estomac chez l’homme vivant. Tous les physiologistes connaissent l’histoire d’un jeune Canadien blessé accidentellement d’un coup de mousquet chargé à plomb qui l’atteignit presque à bout portant dans le flanc gauche. La cavité abdominale avait été ouverte par une énorme plaie contuse, et l’estomac, largement perforé, laissait échapper les alimens du dernier repas. Le malade fut soigné par le docteur Beaumont, chirurgien à l’armée des États-Unis ; il guérit, mais en conservant une plaie fistuleuse de 35 à 40 millimètres de circonférence, à travers laquelle on pouvait introduire différens corps et inspecter facilement ce qui se passait dans l’estomac. Le docteur Beaumont, voulant étudier ce cas remarquable, s’attacha en qualité de domestique ce jeune homme, dont la santé et les facultés digestives en particulier s’étaient complètement rétablies. Il put le garder à son service pendant sept années, durant lesquelles il fit un très grand nombre d’observations du plus haut intérêt pour la physiologie. À jeun, en regardant dans l’intérieur de l’estomac, on en apercevait distinctement la membrane interne ; elle formait des replis irréguliers, la surface, d’un rose pâle, n’était animée d’aucun mouvement, et n’était absolument lubréfiée que par du mucus. Aussitôt que les matières alimentaires descendaient dans l’estomac et touchaient la membrane muqueuse, la circulation s’y accélérait, la couleur s’avivait, et des mouvemens péristaltiques s’y manifestaient. Les papilles muqueuses versaient alors le suc gastrique, fluide clair et transparent destiné à dissoudre les alimens. Lorsqu’on essuyait avec une éponge ou un linge fin le mucus qui recouvrait la membrane villeuse, on voyait bientôt le suc gastrique reparaître et s’assembler en gouttelettes qui ruisselaient le long des parois de l’estomac comme la sueur sur le visage. Ce que nous venons de voir sur la membrane muqueuse gastrique s’observe de même pour tout l’intestin et pour tous les organes glandulaires annexés à l’appareil digestif. Les glandes salivaires, le pancréas, pendant l’intervalle des digestions, présentent un tissu pâle et exsangue dont les sécrétions sont entièrement suspendues. Pendant la période digestive au contraire, ces mêmes glandes sont gorgées de sang, ruti-