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Veggiolo un’altra volta esser deriso;
Veggio rinnovellar l’aceto e’l felle,
E tra vivi ladroni esser anciso.

Veggio ’ l nuovo Pilato si crudele
Clie cio nol sazia, ma senza decreto
Porta sul tempio le cupide vele.


III

Autant la suite des faits qui s’accomplirent dans la journée du samedi 7 septembre 1303 est claire et satisfaisante, autant ce qui se passa les jours suivans est obscur et inexpliqué. Le dimanche 8 septembre, les envahisseurs du château de Boniface paraissent être restés oisifs. Pourquoi ce moment de repos ? pourquoi Nogaret, dont le plan s’est développé jusqu’ici avec une sorte de rigueur juridique, s’arrête-t-il tout à coup ? Sans doute Nogaret ne trouva pas chez ses associés la ferme suite d’idées qu’il portait lui-même en son dessein. On ne peut le disculper cependant d’un peu d’imprévoyance. Son projet d’un coup de force à exécuter au cœur de l’Italie sans un seul homme d’armes français, avec l’unique secours des discordes italiennes, eût été bien conçu, si, le coup une fois frappé, il n’eût eu qu’à se dérober ; mais sa retraite avec un pape prisonnier jusqu’à Lyon, au milieu de populations qui, une fois l’orgueil de Boniface humilié, n’avaient plus d’intérêt à seconder son vainqueur, et que d’ailleurs leur patriotisme italien et leurs instincts catholiques devaient indisposer contre un étranger sacrilège, une telle conception, dis-je, était entachée de toute sorte d’impossibilités. Si l’on avait pu appuyer cette hardie tentative sur l’expédition qu’avait faite Charles de Valois en Italie deux ans auparavant, à la bonne heure ; mais cette expédition avait été dans un sens contraire, elle avait été en faveur du pape et des guelfes contre les gibelins : Charles de Valois resta toujours au fond un secret partisan de la papauté et combattit énergiquement l’influence que les légistes gallicans exerçaient sur l’esprit de son frère. De la sorte, les tentatives d’intervention française en Italie dans les premières années du XIVe’ siècle furent, comme toutes celles qui devaient se produire plus tard et jusqu’à nos jours, pleines de décousu et de contradictions. Nogaret échoua par suite de la légèreté, sinon de la perfidie, de ses alliés. Toutes ces étourderies italiennes, ces vengeances sans autre but que la satisfaction d’une haine personnelle, ces débordemens de passion sans règle supérieure, firent avorter son plan. Sa petite bande, toute composée d’Italiens et dont il n’était pas bien maître, fondit entre ses mains.