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Cette admonition, vraie ou prétendue, sera la base sur laquelle Nogaret essaiera de s’appuyer pour prouver que Boniface était un incorrigible, et que, l’ayant semoncé en vain, il avait eu, lui Nogaret, le devoir de procéder par la force contre un ennemi aussi dangereux de l’église.

On a mêlé Nogaret avec Plaisian, Flotte et Marigni au parlement de Senlis (1301) contre Bernard de Saisset, mais on n’a pu fournir les preuves d’une telle assertion. On a donné aussi Nogaret pour compagnon à Pierre Flotte dans son voyage à Rome en l’an 1301, voyage qui amena l’éclat de la bulle Ausculta fili, mais cette supposition paraît gratuite. Au contraire nous possédons les pièces originales de deux missions qui lui furent confiées en 1301, et où il eut pour collègue Simon de Marchais. Par la première de ces pièces, il est chargé de choisir et de nommer un gardien pour l’abbaye de Luxeuil. L’autre mandat nous révèle combien le souci des intérêts commerciaux était vif chez les hommes d’affaires qui entouraient Philippe. La Seine n’était alors navigable que jusqu’à Nogent. Le roi a entendu dire qu’on pourrait la rendre navigable jusqu’à Troyes ou même plus loin vers la Bourgogne, et aussi qu’il serait possible d’établir une ligne de navigation fluviale de la Seine à Provins. Il donne aux deux chevaliers des pleins pouvoirs pour l’exécution de ces travaux et en particulier pour indemniser les moulins qu’il sera nécessaire de déplacer. Au milieu de tant d’actes d’une administration peu scrupuleuse, on est heureux de trouver une pièce qui allègue pour motif le bien public, inséparable de celui du roi (ad utilitatem publicam et nostram). Les dépenses doivent être faites par les villes, les localités et les personnes qui tireront profit de ladite canalisation. On ne sait si l’ordre de Philippe fut réalisé ; la Seine, en tout cas, n’est restée navigable que jusqu’à Méry, entre Nogent et Troyes.

En 1302, Nogaret reçoit une commission plus singulière : le roi le charge par lettres patentes de recueillir les coutumes de la ville de Figeac. Nogaret fit exécuter le travail par un clerc dont on possède aux archives nationales la rédaction originale chargée de ratures ; à la marge sont des notes brèves, dures, impératives, non est utile, non est rationis, d’une belle et forte écriture, qui est sûrement celle de notre légiste. M. Boutaric croit que la rédaction définitive ne fut pas faite ou du moins ne fut pas mise en vigueur. En cette même année 1302, on dit que le roi nomma Nogaret « chevalier de son hôtel, » et lui confia le commandement de 200 hommes d’armes. Beaucoup de biographes ont supposé que ce fut aussi en 1302 que le roi l’investit de la garde du grand sceau, et qu’il succéda dans cette charge à Pierre Flotte, tué à la bataille de Courtrai (11 juillet 1302). Dom Vaissète a victorieusement réfuté cette erreur. Nogaret n’a été