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d’argent. Il paraît qu’il y a eu près de Saint-Félix un fief appelé Nogaret, mais ce nom put être postérieur à l’anoblissement de Guillaume, et venir de sa famille.

L’homme célèbre dont il s’agit appartenait à cette portion éclairée, intelligente, pleine de feu, de la race languedocienne qui, au XIIIe siècle, sous le couvert du catharisme, au XVIe siècle et de nos jours, sous le couvert du calvinisme, a su invariablement protester contre les superstitions dominantes. Le grand-père de Guillaume fut brûlé comme patarin. La terreur religieuse qui régna dans le midi pendant tout le XIIIe siècle pesait lourdement sur les familles qui avaient vu un de leurs membres condamné par l’inquisition. Le père de Guillaume eut probablement à en souffrir ; Guillaume lui-même s’entendit reprocher toute sa vie la mort de son grand-père, mort qui est à nos yeux un courageux martyre, mais qui passait alors pour la plus triste marque d’infamie.

La famille de Nogaret n’était pas noble. Aucun titre antérieur à 1299 ne donne à Guillaume le titre de miles ; dom Vaissète, avec sa critique ordinaire, a relevé des preuves positives qui établissent qu’en 1300 il était un anobli de fraîche date ; Jacques de Nogaret, tige des Nogarets d’Épernon, ne fut anobli que par Charles V. On sait que les anoblissemens, rares encore sous le règne de Philippe le Hardi, se multiplièrent sous le règne de Philippe le Bel.

Guillaume de Nogaret se voua de bonne heure à la profession qui, depuis la deuxième moitié du XIIIe siècle, a conduit en France aux premières fonctions de l’état. L’étude des lois arrivait à une importance extraordinaire et primait déjà de beaucoup la théologie. Guillaume débuta dans la vie avec le simple titre de magister et de clericus. L’amour-propre des Toulousains, qui les a portés à se rattacher Nogaret comme un compatriote, les a induits aussi à prétendre qu’il fit ses études à Toulouse. Le fait est que c’est vers 1291 que nous commençons à posséder quelques renseignemens certains sur Nogaret, et qu’à cette époque nous le trouvons « docteur en droit et professeur ès-lois » à Montpellier ; il y était encore en 1293. En 1294 et 1295, il est juge-mage (judex major) de la sénéchaussée de Beaucaire et de Nîmes. En décembre 1294, Alphonse de Rouvrai, sénéchal, le charge d’une commission délicate. Il n’y avait qu’un an que le roi avait pris possession de Montpelliéret par ledit sénéchal. Selon sa constante pratique, Philippe cherchait à profiter du pied qu’il avait mis dans Montpellier pour étendre ses droits sur la ville entière et supprimer les droits qui restreignaient le sien. Le sénéchal fit citer les habitans de la ville et de la baronnie de Montpellier à se trouver en armes à un lieu marqué ; ils refusèrent. Le sénéchal alors fit assigner à son tribunal le lieutenant du roi de Majorque à Montpellier et les consuls de la