vent gémissait à travers leurs cordes. » Comment ne pas admirer de si doux transports et les saints ravissemens de cette dévotion amoureuse ? Du Vulturne jusqu’au Rhône et du Rhône jusqu’à la Seine, pauvres Welches que nous sommes, de tels sentimens nous dépassent. Nous avons tour à tour des gouvernemens qui nous plaisent, d’autres que nous supportons, Dieu le sait, avec une patience exemplaire ; mais, quels qu’ils soient, qu’ils nous agréent ou nous fassent peur, nous ne leur sommes guère dévots. Race dure et gangrenée, il est des larmes que nous ne verserons jamais, et la fleur bleue du romantisme politique ne fleurira jamais sur notre bourbier.
Le poète impérial n’a jamais perdu de vue le grand objet qui le transportait. Il avait par instans des mélancolies et des colères. Dans ses mauvaises nuits, il faisait des songes symboliques qui assombrissaient son réveil. Il croyait voir des abeilles cheminant sans guide et s’égarant dans l’espace, des flèches que lançaient au hasard des mains enfantines et qui retombaient impuissantes, une escarboucle faite pour orner la couronne du monde, et qui gisait honteusement dans la poussière de la route. Alors il gourmandait son peuple, lui reprochait de s’occuper de tout hormis de la seule chose nécessaire ; il maudissait les partis qui détournaient l’Allemagne de ses vraies destinées, qui, la prenant par l’appât de la liberté, l’emmenaient loin des chemins où l’attendait la grande ombre de Henri l’Oiseleur. Il s’écriait : « Quand donc reverdira le vieux chêne ? quand fleurira dans le jardin allemand la couronne de notre empereur ? Épée de l’Allemagne, jusques à quand dormiras-tu dans le fourreau ? »
Mais sa foi ne connaissait pas les défaillances. Il savait que l’empire serait enfanté par les tempêtes, qu’il renaîtrait à la lueur des éclairs et sur une terre inondée de sang, — et d’avance il voyait couler ce sang fécond, sa muse s’y désaltérait. Peut-on payer trop cher un empereur ? « Le jour viendra, écrivait-il en 1859, où le Seigneur lavera la honte de son peuple. Celui qui parla dans les plaines de Leipzig parlera de nouveau dans le tonnerre… Alors, portant sur ton front l’insigne de la souveraineté, tu trôneras devant les nations de l’Europe, princesse sans pareille. Éclatez, éclatez enfin, flammes purificatrices de l’incendie du monde ! Comme un phénix, sors de ce bûcher, aigle impérial ! » Les tempêtes ont été de parole. En février 1864, à l’ouverture des hostilités contre le Danemark, le poète s’écriait joyeusement : « Je te salue, sainte pluie de feu, tempête de la colère qui éclates après tant d’heures d’angoisse ! Nous guérissons dans tes flammes, et mon cœur te répond par des battemens de joie. Aigles au puissant essor, en avant ! Déjà l’Allemagne respire et accorde ses harpes pour célébrer vos vic-