« Je voudrais me conserver libre, s’écriait jadis un poète allemand, me cacher au monde entier, voguer sur des eaux tranquilles, abrité derrière un rideau de nuées, et que par un charme magique le chant des oiseaux m’affranchît du poids de la terre. Bercé par le pur élément, je voudrais fuir les hommes et leurs souillures, effleurer la rive par intervalles sans jamais descendre de ma nacelle, saisir en passant un bouton de rose, et poursuivre mon humide voyage, voir de loin comment paissent les troupeaux, comment croissent et se renouvellent les fleurs, comment les vendangeuses détachent les grappes, comment les faucheurs coupent l’herbe odorante, et ne me nourrir que de la clarté du jour qui demeure éternellement pur, et de quelques gorgées d’une onde fraîche, breuvage qui ne hâte point le cours du sang. » Le poète se répondait à lui-même : « Que signifient ces découragemens enfantins, ces vains et chimériques souhaits ? Apprendre à aimer les hommes, voilà le seul vrai bonheur. La fleur se dessèche sans retour, sans retour croît et grandit l’enfant ; il y a dans le cœur des abîmes qui sont plus