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tiles se donnent la main. Le radicalisme pur, dont le chef est M. Ruiz Zorrilla, s’allie aux républicains, aux carlistes, aux partisans du jeune prince des Asturies, fils de la reine Isabelle.

Ainsi voilà une alliance où l’on trouve un des chefs du parti républicain, — M. Figueras, un ancien ministre d’Isabelle II, M. Esteban Collantes, un des principaux coryphées de l’absolutisme théocratique, M. Nocedal. Tout cela marche ensemble, et, pour peu que la coalition ait quelque succès dans les élections, on pressent aisément ce que pourront être les nouvelles certes, quelles ressources elles offriront à un gouvernement. Déjà dans le dernier parlement l’alliance de ces fractions hostiles rendait tout impossible, et a déterminé les diverses crises ministérielles qui se sont succédé. Si elle revient en force à la chambre, le ministère de M. Sagasta n’a plus qu’à s’en aller ; mais M. Ruiz Zorrilla, le grand organisateur de cette coalition, s’il était appelé au pouvoir, trouverait devant lui les mêmes difficultés ; ses amis seraient remplacés dans la coalition par les amis de M. Sagasta. Comment une monarchie constitutionnelle, surtout une monarchie nouvelle, pourrait-elle vivre dans ces conditions, entre des coups d’état et des révolutions également inévitables ? Le roi Amédée est certainement le plus à plaindre dans ces confusions, car il est le modèle des princes constitutionnels. Il est prêt à faire tout ce que les cortès lui diront. Il ne serait pas de trop seulement que les cortès qui viendront eussent elles-mêmes quelque idée de la politique qu’elles préféreraient. C’est là la question.

CH. DE MAZADE.




L’INDE ANGLAISE AU COMMENCEMENT DE 1872.

Empire in Asia ; how we came by it. A book of confessions, by W. M. Torrens, M. P. Londres 1873, Trûbner et Ce.

Une série de symptômes qui ressemblent à des lueurs d’orage appellent de nouveau l’attention des hommes d’état sur l’Inde anglaise. L’assassinat du juge suprême Norman a été suivi de celui du vice-roi ; les fanatiques savent désormais que les plus hauts représentans d’un pouvoir détesté sont à toute heure justiciables de leurs poignards. Les attentats et les rébellions se multiplient. A Lahore, des bandes d’indigènes parcourent les rues pendant la nuit et les remplissent du bruit de leurs chants qui annoncent la fin prochaine de la domination étrangère et la ferme résolution des opprimés de verser leur sang à torrens pour la liberté et pour leur foi. D’un bout à l’autre de l’Inde, la conviction se fortifie que le jour n’est pas éloigné qui verra s’écrouler l’empire britannique en Asie, et que l’œuvre de la délivrance doit s’accomplir par les Russes et les Chinois. D’où vient cette croyance ? On ne sait ; elle a