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roi de Hanovre, le roi George n’est pas allé à Anvers avec son ami M. Windlhorst, comme on s’est plu à le dire ; mais en revanche un des familiers de don Carlos parlait tout récemment du lien intime qui existe « entre l’état de l’Espagne et les événemens de l’étranger, » de la confiance qu’on doit avoir « dans la grandeur des causes dont les symboles sont Pie IX, Charles VII et Henri V. »

Ainsi voilà un malheureux pays qui sort à peine d’une effroyable guerre où il a perdu des provinces, où il a laissé son prestige, son Sang, sa fortune, et on vient lui offrir la séduisante perspective d’un certain nombre de guerres nouvelles pour aller rétablir le pape dans ses états, pour élever au trône le prétendant légitime d’Espagne ! On n’en ferait rien, nous en sommes convaincus, on le laisse dire, on laisse s’accréditer cette idée, qu’il y a une solidarité intime entre le rétablissement de la royauté et toutes les causes perdues. Les partisans de la légitimité propagent ces confusions inquiétantes, irritantes pour une opinion publique éprouvée et malade, de telle sorte que la monarchie n’a pas seulement contre elle ceux qui la combattent dans son principe, elle a ses séides, ceux qui croient la servir et qui la ruinent en la défigurant, en l’identifiant avec leur fanatisme ou leurs rêves surannés ; elle n’a pas seulement à surmonter les répugnances de ses adversaires, elle a aussi et surtout à se dégager de l’étreinte de ceux qui la rétrécissent aux proportions de leur étroit idéal, et c’est ainsi que le problème n’est pas aussi simple qu’il peut le paraître dans un manifeste. N’y eût-il pas la plus grave question de régime politique, il y aurait toujours cette considération d’opportunité qui rend si périlleuse toute tentative pour décider des destinées de la France au moment présent.

Il faudra bien y venir, assure-t-on ; cette question, on ne l’a pas créée, elle s’est imposée, elle est née de la force des choses, de l’impossibilité de la situation actuelle. Le provisoire est mortel pour la France, il entretient partout l’inquiétude, il paralyse les intérêts et suspend l’essor de l’activité nationale ; le pays aspire à un régime définitif qui seul peut lui rendre la sécurité à l’abri d’institutions durables. Le pacte de Bordeaux a fait son temps, il est épuisé, il a dit son dernier mot. — Oui, on parle ainsi, les monarchistes le disent, les républicains le répètent ; chacun, bien entendu, donne un nom différent au définitif : pour tous, l’essentiel est d’en finir. Est-ce qu’il suffit de le vouloir et de le dire pour avoir la puissance de trancher ces questions souveraines ? Ne voit-on pas que par impatience, par entraînement de parti, on crée soi-même ces incertitudes, ces anxiétés, dont on se fait une arme, que si on employait, pour maintenir cette trêve des opinions toujours nécessaire, la moitié de l’activité et du zèle qu’on déploie pour s’en affranchir, pour la rendre illusoire et impossible, le pacte de Bordeaux garderait toute sa force et son efficacité ? Il faut en finir, dit-on ; puisque c’est si facile et si simple, pourquoi n’en finit-on pas ? — Ce n’est pas l’envie qui manque. S’il y a au contraire un fait sen-