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anglaise de 1867 dans leur rapport à la reine, M. le comte de Paris dans son livre sur les Associations ouvrières, M. G. de Molinari dans un récent et intéressant ouvrage intitulé le Mouvement socialiste et la pacification des rapports du travail et du capital, ont mis en relief les résultats importans obtenus par les trades-unions au point de vue de la régularisation de la lutte entre les patrons et les ouvriers et parfois même de l’heureuse solution des dissentimens. Grâce au zèle des imitateurs de MM. Rupert Kettle et Mundella, les conseils d’arbitrage fondés sur le modèle de ceux que nous avons décrits prennent un grand développement. Fréquemment les journaux anglais nous apportent la nouvelle que par ces conseils une crise importante a été prévenue ou arrêtée. Parmi les plus récens conflits ainsi terminés, nous pourrions citer ceux qui se sont produits dans les charbonnages du comté de Galles, puis dans les districts métallurgiques voisins de Middlesborough. Conformément à la résolution votée l’année passée par le congrès des trades-unions et confirmée cette année par une nouvelle déclaration du congrès de Nottingham, il n’éclate plus pour ainsi dire de désaccord sans qu’une tentative d’entente amiable soit essayée : les dernières grèves, notamment celle de Newcastle, en ont fourni la preuve. Même quand ces essais sont restés infructueux, on y trouve un symptôme des sentimens pacifiques qui, en mainte région manufacturière, commencent à prévaloir dans les rapports des entrepreneurs et des ouvriers anglais.


III.

Pourrait-on introduire législativement dans l’organisme industriel certains correctifs à la liberté des coalitions, régulariser en les codifiant les institutions faites pour adoucir les rapports des patrons et des ouvriers? L’essai a déjà été tenté plusieurs fois. Dès le commencement de ce siècle, l’Angleterre a voulu rendre obligatoire le recours aux conseils d’arbitrage, et des acts spéciaux ont été votés dans cette intention par le parlement; mais on a bientôt reconnu l’inefficacité de ce système, et on y a renoncé. En France, la question a été souvent agitée. Dès 1848, la commission de la constituante, chargée d’examiner un projet de loi sur les coalitions, demandait l’intervention légale du conseil de prud’hommes, ou, à son défaut, d’un comité composé en nombre égal de patrons et d’ouvriers. La commission de 1864 reprit ce projet et le discuta de nouveau. Le rapporteur formula même une proposition assez précise qui réglait le rôle des tribunaux d’arbitrage et le mode de nomination des comités qui, en l’absence du conseil des prud’hommes, devaient trancher les différends industriels. Les parties seraient obligées de