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pas les concessions territoriales en échange du service militaire ou des redevances, les bénéfices, les emphytéoses, la condition des lètes? Il est vrai toutefois que la constitution féodale du moyen âge trahit des tendances et admet des principes qui paraissent avoir été réellement inaugurés par le génie germanique. Rien n’est plus éloigné à coup sûr des habitudes de la centralisation romaine que ce fractionnement de la société en groupes rattachés entre eux, non par une loi commune, émanant d’une autorité unique s’imposant à tous, mais par le double lien d’une protection et d’un dévoûment réciproques. Le roi n’est plus ici que le premier des suzerains : à ses droits suprêmes correspondent de suprêmes devoirs. En vain la tradition romaine, appelant à son aide la consécration de l’église, essaiera-t-elle de lui rendre l’autorité des anciens césars : le germe du self-government a été déposé au sein du monde moderne, et ne sera plus étouffé. Avec les assemblées représentatives pour organes, se fondera un gouvernement d’une forme nouvelle, inconnue de l’antiquité, et d’un cadre assez flexible ou assez large pour donner place au rôle nécessaire de classes nombreuses de citoyens jusqu’alors non comptées dans l’état.

Cette transformation considérable résume à peu près à elle seule tout le changement apporté par le germanisme dans l’ordre des idées politiques et sociales. Il nous reste à considérer quelles modifications morales et intellectuelles devaient s’accomplir en même temps, et à rechercher ce qu’allait devenir le génie classique aux prises avec la première influence du génie barbare et avec l’aspect d’un monde nouveau.


A. GEFFROY.