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de la Germanie, exempts de tous rapports avec les Romains, qui avaient conservé ou adopté des rois. Puisque nous lisons souvent dans les textes que d’anciennes familles avaient été longtemps en possession de donner des rois à ces peuples, il est clair que, par le fait et conséquemment par une sorte de droit issu de la coutume, cette suprême dignité était devenue, ou à peu près, héréditaire. Cela n’exclut pas un certain droit d’élection, tout au moins d’approbation populaire, pouvant choisir entre les divers membres de ces familles, ou même leur préférer par intervalles quelque chef sans aïeux devenu tout d’un coup illustre. Toutefois l’empire d’une sorte de tradition rendait nécessairement ces exceptions assez rares. Suivant Tacite, les Goths étaient plus soumis que les autres peuples germains à la royauté, mais sans que leur liberté eût beaucoup à en souffrir. C’est dire qu’en général la liberté germanique et l’institution royale n’étaient pas inconciliables, que celle-ci n’était pas de nature à prévaloir sur celle-là. On se rappelle Childéric expulsé par ses sujets et remplacé par Syagrius, on connaît l’histoire du vase de Soissons sous Clovis; elle prouve que, si le roi des Francs était tout-puissant pendant la guerre, il ne l’était plus après la victoire remportée en commun. Nombre de traits de l’histoire du nord seraient à citer dans le même sens. Le roi de Suède Olaf Skötkonung, pendant le thing de 1021, refusait de conclure avec le roi de Norvège une paix désirée par ses sujets. Comme il venait, en présence de tout le peuple, d’exprimer impérieusement son refus, il se fit un grand silence, puis le lagman Thorgny se leva, et l’assistance presque entière avec lui. « Il paraît, dit-il, que les rois des Svear sont aujourd’hui d’autre humeur qu’autrefois. Mon grand père m’a souvent parlé du roi d’Upsal Éric Emundsson, qui, chaque année victorieux, n’en écoutait pas moins de bonne grâce tout ce que ses sujets avaient à lui dire. Mon père a vécu longtemps à côté du roi Biörn, dont il connaissait bien le caractère : le royaume était fort et florissant, et cependant le roi Biörn était d’un facile accueil; mais le roi que nous avons aujourd’hui ne consent à rien entendre que ce qui lui plaît. Hé bien! nous voulons, nous, roi Olaf, que tu fasses la paix avec le roi de Norvège, et que tu lui donnes ta fille Ingegerd en mariage. À cette condition, nous te suivrons tous pour aller reprendre les états que tes aïeux ont jadis possédés. Sinon, nous t’attaquerons et nous te tuerons, afin de ne souffrir de toi ni guerre ni injustice. Ainsi firent nos pères lorsque, au thing de Mula, ils précipitèrent dans un marais, comme tu le sais fort bien, cinq rois orgueilleux comme toi. Parle donc, et dis à l’instant quelles conditions tu acceptes. « Ces paroles à peine prononcées, l’assemblée les approuva en frappant de l’épée, et le roi déclara qu’il