Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prennent les 200 millions d’amortissement. Il s’agit seulement de les établir sous la meilleure forme.

En 1815, l’Angleterre avait comme nous une dette de plus de 20 milliards, pour laquelle elle payait 800 millions d’intérêts annuels ; cela représentait 43 fr. par tête d’habitans et 9 pour 100 du revenu général du pays. Notre dette, en portant les intérêts à 1 milliard, ne représente que 27 fr. par individu, et 5 pour 100 du revenu général. Par conséquent le fardeau n’est pas au-dessus de nos forces ; celui qui a pesé sur les Anglais en 1815 était bien autrement lourd ; il ne les a pas empêchés de développer leur richesse dans des proportions fabuleuses. Il en sera de même chez nous a fortiori, si nous savons bien nous diriger financièrement et nous abstenir de tout ce qui pourrait entraver le progrès industriel. À ce point de vue surtout, il nous faut faire la plus grande attention aux nouveaux impôts que nous avons à établir : la somme totale, je le répète, n’est pas au-dessus de nos forces ; mais il se peut que, par la forme que nous adopterons, ils soient très nuisibles au commerce et arrêtent les transactions. C’est une question sérieuse. Il importe aussi que notre budget de 1872 soit mis au plus vite en équilibre, afin que le monde des capitalistes, qui a les yeux sur nous, sache bien que nous sommes parfaitement en mesure de satisfaire à toutes nos charges. Notre crédit s’en ressentira et nous trouverons des conditions meilleures pour la réalisation de notre emprunt. Lorsqu’il s’agira de le contracter, il faudra encore, pour le rendre plus facile, accorder du temps pour les versemens, les échelonner par exemple sur dix-huit mois ; d’ici à la fin de l’année, on exigerait un tiers de la somme qui serait immédiatement versé, et, au moyen de garanties offertes pour le reste, on pourrait espérer d’obtenir l’évacuation du territoire ; les Prussiens s’y montreraient sans doute disposés du moment où les fonds seraient faits pour les solder.

On s’est demandé encore si la Prusse n’accepterait pas, en échange de l’évacuation immédiate, de la rente ou d’autres valeurs, des obligations de chemins de fer par exemple rachetées par l’état, et il est probable que c’est sur cette base, ou quelque chose d’équivalent, qu’ont lieu les négociations dont on a parlé. Il est douteux que nos ennemis se prêtent à de telles combinaisons ; mais, dussent-ils le faire, nous ne devrions pas les leur proposer, car elles nous seraient fort préjudiciables. En ce qui concerne la rente, on aurait beau préciser un délai pendant lequel elle ne serait pas négociable, délai nécessairement fort court qui ne pourrait guère dépasser deux ou trois ans ; nous demeurerions toujours sous le coup de cet arrangement, qui pèserait sur notre crédit. Les étrangers seraient maîtres de notre marché et pourraient l’écraser quand ils le voudraient.