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cette année après les bénéfices qu’ils ont retirés de leur concours.

La France, quelque riche qu’elle soit, est aujourd’hui hors d’état de prélever immédiatement sur son capital 3 milliards ; mais elle est parfaitement en mesure d’en payer les intérêts et même d’en opérer le remboursement dans un temps assez rapproché, en douze ou quinze ans par exemple. Il faut profiter du grand mouvement national qui se produit en faveur de la libération du territoire pour nous imposer quelques sacrifices en contractant un emprunt de 4 milliards remboursables à court terme ; c’est ce qu’ont fait les États-Unis pendant la guerre de sécession, ce que fait l’Angleterre lorsqu’elle a des besoins extraordinaires, ce que font tous les états riches qui se préoccupent de l’avenir. Quand on étudie ce qui se passe aux États-Unis notamment, on est très frappé du progrès qui a eu lieu dans le crédit de ce pays. Autrefois, avant la guerre de sécession, lorsqu’il n’y avait pour ainsi dire pas de dette fédérale, les Américains n’auraient pas trouvé à emprunter à moins de 7 ou 8 pour 100 ; ils ont contracté tout à coup une dette de 15 à 16 milliards, qui est encore de 12 ou 13, et on leur offre des capitaux à 5 pour 100. La cause de ce progrès tient à l’énergie qu’ils ont mise à réduire leurs charges, en affectant chaque année à l’amortissement de 500 à 600 millions. Ainsi dans un amortissement rapide il ne faut pas voir seulement la somme dont la dette diminue, ce qui est bien quelque chose quand cette somme est de 500 millions par an ; il faut envisager encore l’effet qui en résulte pour le crédit. Cet effet est considérable, et telle nation qui aura le taux de sa rente à 6 pour 100, si elle n’amortit pas, le verra descendre à 5 pour 100 et au-dessous, si elle a le courage de s’imposer des sacrifices pour réduire ses charges.

En empruntant au mois de juillet dernier 2 milliards en rentes perpétuelles, on a commis une faute ; il ne faut pas l’aggraver en recourant une seconde fois au même procédé. La forme sous laquelle les États-Unis ont emprunté les plus fortes sommes pendant leur guerre de sécession pourrait être appliquée avec profit ; ils ont émis des bons dits 5-20, parce qu’ils étaient remboursables après cinq ans à la volonté de l’état et en tout cas dans le délai de vingt ans ; ces bons sont fort connus sur toutes les places de l’Europe et en particulier dans notre pays ; ils portent un intérêt de 6 pour 100. Aujourd’hui les Américains trouvent de l’argent à de meilleures conditions, et ils usent de la faculté qui leur a été laissée, soit pour rembourser les bons de 6 pour 100, soit pour les convertir en d’autres qui rapportent 5 pour 100. Ce moyen est très pratique ; pourquoi ne l’adopterions-nous pas ? Ah ! ici se présente cette éternelle objection qu’on rencontre chez nous lorsqu’il s’agit des innovations, même les plus utiles. Le procédé est excellent,