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taires qui pèseront sur les emprunteurs : la difficulté n’est pas résolue par ce système d’avances ; tout au plus est-elle reculée. Qui est-ce qui prendra les lettres de gage ? Qui fournira aussi à la Banque de France et aux autres institutions financières les capitaux à prêter ? On n’imagine pas qu’elles les aient en réserve pour cette occasion. Le marché français est-il assez large et assez riche pour les procurer ? car il ne faut pas compter sur les capitaux étrangers, qui ne se soucieront guère de nos lettres de gage, et ne voudront pas s’immobiliser plus ou moins longtemps dans des avances faites aux propriétaires gênés. On ne trouvera pas ainsi les 3 milliards dont on a besoin. Supposons pourtant qu’on les trouve, reste la réalisation en numéraire et en traites sur l’étranger, les Prussiens ne voulant pas être payés autrement. Se figure-t-on l’effet produit dans notre pays par la disparition soudaine d’une somme de 3 milliards en espèces, et à quel taux monterait le change, s’il fallait se les procurer en traites sur le dehors par l’entremise des banquiers ? Ce prélèvement de 2 pour 100 sur la richesse publique, qui semble sans importance et dont on vante les effets, aurait pour conséquence immédiate une grave perturbation dans les affaires et une dépréciation du capital restant. Pas plus que les autres systèmes, il ne nous fournit le moyen de nous libérer.


III.

Est-ce à dire maintenant qu’il nous faille attendre jusqu’au délai fatal de mars 1874 ? Il y a quatre ou cinq mois, lorsque notre gouvernement commençait à se munir de traites sur l’étranger pour payer les 650 millions qui sont à échéance successive à raison de 80 millions par quinzaine, du 15 janvier au 1er  mai prochain, quand on vit le change sur Londres s’élever immédiatement à 26 francs et au-dessus, et l’or faire une prime de 20 à 25 francs par 1,000, on put croire que les ressources de notre pays étaient épuisées et qu’il fallait échelonner avec la plus extrême prudence les paiemens futurs ; on put croire notamment qu’il serait impossible de devancer, pour les 3 derniers milliards, le terme de 1874. Beaucoup de personnes allaient même jusqu’à penser que ce dernier délai était trop court, et que deux ans ne suffiraient pas à la France pour trouver une somme aussi grosse. Aujourd’hui la perspective est moins sombre ; on a été frappé d’abord de la facilité avec laquelle le gouvernement s’est procuré les traites nécessaires pour le parfait paiement des 650 millions, car il les a, dit-on, à peu près toutes. Non-seulement le change a cessé de s’élever, comme on le craignait, mais il a baissé sensiblement. Il est à 25 francs 40 centimes sur Londres, il a diminué également sur Amsterdam, Hambourg et