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ses compagnons d’œuvre, cette autorité du sacerdoce semblait absolument nécessaire pour que cette observation devînt complète. Le principe légal demeura donc supérieur en dignité au principe sacerdotal. Celui-ci fut pour celui-là, et non l’inverse. C’était déjà une garantie contre l’arbitraire du clergé, lié lui-même par les règles qu’il avait pour mission d’imposer aux autres. De plus il y eut dans ce vif sentiment de la souveraineté de la loi l’origine d’un ministère nouveau, celui du scribe, copiste et interprète de la loi, l’étudiant en détail, définissant dans tous les cas non prévus les applications conformes à l’esprit général des textes, et constituant de la sorte une jurisprudence dont l’accumulation graduelle ne tarda pas à s’imposer au peuple avec une autorité au moins égale à celle du prêtre. En définitive, le judaïsme doit plus encore au scribe qu’au prêtre. La preuve en est que le prêtre a dû forcément disparaître avec le temple; le scribe est resté debout, et il a perpétué la religion juive dans tout ce qu’elle avait de vraiment essentiel. Toutefois des événemens majeurs pouvaient seuls donner du relief à cette distinction appelée à tant d’avenir. Pendant les premiers siècles qui suivirent la captivité, le scribe et le prêtre furent ordinairement alliés, animés d’une ambition commune, et, en vertu de la loi, leur souveraine maîtresse à tous deux, jusqu’au moment où le pouvoir politique réclama comme au temps des rois la suprématie, ce fut le sacerdoce qui domina la situation.


IV.

Parmi les innovations les plus fécondes qui naquirent pendant la période de la captivité chaldéenne, il faut ranger la synagogue. Ne la confondons pas avec le temple; ce sont deux institutions profondément distinctes, qui diffèrent autant, et pour les mêmes raisons, que le scribe et le prêtre. Le scribe est un théologien-juriste; c’est le savoir, la connaissance spéciale, qui lui valent son titre à des pouvoirs religieux inséparables de sa capacité; le prêtre, quelque ignorant qu’il puisse être, est le seul sacrificateur légitime. C’est seulement au temple et par les mains du prêtre qu’il est licite de sacrifier, tout sacrifice consommé ailleurs et par d’autres mains étant nul de plein droit. Au temple donc le culte cérémoniel, les pompes religieuses, les actes mystiques opérant par leur vertu surnaturelle, l’exercice continuel du pouvoir sacerdotal ! La synagogue est tout autre chose; c’est simplement une assemblée de fidèles se réunissant pour s’instruire et s’édifier par la lecture, le chant ou la parole. Elle fut inventée pendant l’exil et par une sorte de nécessité. Le temple détruit, le culte cérémoniel, les sacrifices étaient devenus impossibles, car il était interdit, en eût-on reçu la permis-