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le fussent au même point sur les chances de réussite que présentait l’entreprise de la restauration. Beaucoup accompagnèrent de leurs vœux les zélés citoyens qui allaient leur refaire une patrie, purent même s’abandonner au doux espoir que les brillantes promesses des prophètes ne tarderaient pas à s’accomplir, mais, prudens et peut-être un peu sceptiques, aimèrent mieux attendre et voir venir les choses. Ce furent les enthousiastes qui partirent. Aussi n’est-il pas étonnant que ce premier essai ait été conseillé et dirigé par des prophètes, des inspirés, des hommes de la parole, plutôt que par des prêtres. L’influence du point de vue sacerdotal, représenté par Ézéchiel, n’était pas encore très sensible. Les clergés d’ordinaire sont prudens. Il se pourrait même qu’une certaine défiance des vues qui animaient les conducteurs de cette première restauration ait détourné beaucoup de lévites de les accompagner. Une de leurs autorités, le prophète que, faute de savoir son vrai nom, la critique moderne appelle « le second Ésaïe, » n’avait-il pas dit que Dieu se choisirait des prêtres parmi tous les Israélites? On verra tout à l’heure si les faits n’autorisent pas ce genre de soupçon. Ce qui est certain, c’est que les premiers jours de la restauration n’eurent rien de brillant, et les radieuses attentes de ceux qui y prirent part sous l’impression des promesses des prophètes eurent à subir de cruels démentis. A peine revenus, les Juifs s’empressèrent de relever d’abord l’autel, puis le temple de Jérusalem; mais cette restauration fut très lente, et quelques vieillards qui avaient encore pu voir le temple de Salomon versèrent des larmes en comparant à l’ancien sanctuaire l’humble monument qu’on édifiait à grand’ peine. Quant aux richesses, à la gloire, à l’éclatante suprématie dont Israël reconstitué devait être gratifié, c’était presque une ironie d’en parler. C’est tout au plus si l’on parvint à se maintenir contre les anciens rivaux du nord, désormais fortement mélangés de sang païen, qui voulurent se joindre aux « revenus de Babylone » pour ne plus former qu’un seul corps politique et religieux. Accueillis avec un dédain aristocratique, ils intriguèrent auprès de Cyrus et de son successeur Darius, et ils réussirent à obtenir l’ordre de suspendre les travaux du temple. Il est probable qu’ils inspirèrent aux rois perses des soupçons sur les intentions de leurs protégés, et c’est peut-être alors que les prophéties juives furent réellement montrées à ces puissans seigneurs ; on s’expliquerait fort bien que la politique royale eût pris ombrage des incroyables prétentions qu’elles affichaient.

La restauration fut donc très pénible et très languissante jusque vers à dernière année du règne de Darius, où deux prophètes, Aggée et Zacharie, ranimèrent le feu qui menaçait de s’éteindre. Les dispositions de la cour de Perse redevinrent meilleures. Quatre ans