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LE JUDAÏSME
DEPUIS LA CAPTIVITÉ DE BABYLONE
D’APRÈS LES NOUVELLES RECHERCHES D’UN HISTORIEN HOLLANDAIS.

De Godsdienst van Israel tot den ondergang van den Joodschen stant, deel II (Histoire de la religion d’Israël jusqu’à la destruction de l’état juif, 2e partie), par le Dr Kuenen, professeur de théologie à Leide; Harlem, A. C. Kruseman, 1870.

Depuis qu’on ne craint plus d’appliquer à l’histoire d’Israël la méthode et les procédés en usage lorsqu’il s’agit des autres nations, on est généralement d’accord pour reconnaître que l’événement connu sous le nom de « captivité de Babylone » marque le moment décisif du développement religieux du peuple israélite. Cet événement ne détermine pas seulement, comme de pieuses traditions l’enseignaient aux théologiens d’autrefois, une conversion qui aurait ramené à la foi trop longtemps oubliée de ses pères un peuple corrigé par le malheur. C’est toute une révolution, c’est tout un nouvel ordre d’idées, de croyances et d’institutions qui commence, et, à dire vrai, c’est le judaïsme proprement dit qui se constitue. Il y eut même un temps où, par réaction contre le point de vue antérieur, on inclinait à rayer, ou peu s’en faut, tous les antécédens historiques et religieux du peuple juif, à réduire tout le judaïsme aux innovations introduites pendant et après la période de l’exil. Tantôt l’on exagéra le mérite d’Esdras et de ses compagnons d’œuvre au point de tout attribuer à leur génie inventif, tantôt l’on ne voulut voir dans le judaïsme qu’une série d’emprunts plus ou moins déguisés à la religion de Zoroastre. Il est certain qu’Esdras et ses amis ont beaucoup innové ; il ne l’est pas moins que le judaïsme,