Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saya pas de relever la tête; il savait trop bien qu’il ne devait pas compter pour la réalisation de ses espérances sur le royal élève du duc de La Vauguyon, dont les sentimens bien connus faisaient l’horreur des encyclopédistes, et dont le règne inspirait par avance au docteur Quesnay ces terreurs que Mme Du Hausset l’entendit exprimer dans le boudoir de Mme de Pompadour. Mais à la mort de ce prince ces ambitions reparurent, accrues par un long refoulement, et ce qu’on ne pouvait espérer avec un roi dont le caractère présentait une barrière insurmontable parut d’une réalisation facile avec la perspective d’un jeune règne dont l’autorité, trop faible d’abord pour empêcher de tout oser, serait ensuite trop peu respectée pour empêcher de tout obtenir.

Je résume, en l’éclairant par quelques commentaires, l’opinion de Mme Campan. La plupart de ces faits sont bien connus; deux seulement sont à retenir : le premier, c’est qu’elle fixe à la mort du dauphin, en 1765, l’origine de la division de la société monarchique en deux partis bien distincts; l’autre, c’est qu’elle prête à la partie novatrice de cette société monarchique, sans s’expliquer formellement à cet égard, un air de mystère et de conspiration secrète. Y a-t-il eu réellement à l’origine conspiration d’une partie de la noblesse contre la monarchie, et faut-il attribuer tout le mouvement libéral du règne de Louis XVI, par suite la révolution française, à d’autres causes que celles qu’on leur attribue communément, telles que le courant des opinions philosophiques, la croissance des classes moyennes en intelligence et en richesse, la faiblesse des ressorts d’un gouvernement qui a longtemps vécu? La première réflexion qui se présente à la pensée, c’est que ce fait doit être faux, car il est à peu près incompréhensible qu’une classe incorporée à la monarchie au point que l’existence de la monarchie était la sienne propre ait conspiré contre elle-même de parti-pris, avec préméditation, et autrement que par cet entraînement généreux, cet enthousiasme libéral qu’on lui vit sous le règne de Louis XVI. Cependant cette réflexion, qui peut satisfaire le bon sens ordinaire, n’est pas capable d’arrêter longtemps ceux qui savent par l’expérience de l’histoire à quel point les résolutions des aristocraties sont impénétrables. S’il y a eu réellement conspiration à l’origine, nous ne le saurons donc jamais bien, car les aristocraties ne sont pas dans l’habitude d’informer les nouvellistes des secrets de leur conduite.

Toutefois nous avons un document des plus précieux dans les Mémoires de Besenval, personnage quelque peu énigmatique, très royaliste à la surface, au fond sans respect sérieux pour la royauté. Ce document, qui est le second passage des mémoires du XVIIIe siècle qui me revient au souvenir devant le tombeau du dauphin, est