Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
IMPRESSIONS
DE VOYAGE ET D’ART

I.
SOUVENIRS DE BOURGOGNE.

Dans le cours d’un voyage en Hollande, nous avons rencontré un habitant de Rotterdam qui avouait n’être jamais allé en Frise. Cet aveu ne nous surprit pas beaucoup, car nous songeâmes que nous pourrions lui en faire un tout pareil pour plus d’une des parties de la France. En général le pays qu’on connaît et qu’on visite le moins, parce qu’on suppose qu’on aura toujours le temps de le connaître et de le visiter, c’est le propre pays que l’on habite. Cela est vrai de tous les peuples, plus particulièrement encore des Français que de tout autre. J’entendais parler en province, il y a quelques mois, d’une furieuse dispute qui s’était engagée, à l’époque où la dernière guerre éclatait, entre un Allemand et un avocat d’Auvergne, l’Allemand soutenant que les Français ne connaissaient pas la topographie de leur pays, et l’Auvergnat s’échauffant outre mesure pour affirmer la science géographique de ses compatriotes. Hélas ! les événemens n’ont que trop prouvé que l’Allemand avait raison. C’est un grand tort, mais qui, me semble-t-il, pourrait être aisément réparable. Pourquoi n’utiliserions-nous pas notre propre malheur, et ne mettrions-nous pas à profit la triste situation que les circonstances nous ont imposée en regardant de plus près que nous ne l’avons encore fait cette patrie si éprouvée? C’est d’ailleurs le moment pour tout Français de s’emprisonner volontairement