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administration libérale et protectrice à l’intérieur, que d’une autre main on réorganise la diplomatie, qu’on n’ajourne pas les projets les plus urgens pour laisser à M. Pouyer-Quertier le temps de faire triompher ses plans particuliers. Il faut marcher, c’est à ce prix que le gouvernement peut retrouver ou affermir cet ascendant, légitimé par de grands et incontestables services, nous le reconnaissons, toujours nécessaire assurément, mais qui pourrait risquer de s’affaiblir, s’il ne s’entretenait, il ne se rajeunissait par une action incessante.

Il faut toujours en revenir là : les gouvernemens qui ont pour eux l’assentiment public, comme celui qui existe aujourd’hui, n’ont pas beaucoup à craindre de leurs ennemis, ils n’ont à craindre qu’eux-mêmes, ils ne sont menacés que par leurs propres incertitudes, et l’assemblée est exactement dans la même situation. Que lui reproche-t-on ? Certes personne ne met en doute ce qu’il y a de droiture, de bonnes intentions, de patriotisme, dans cette réunion d’hommes élus par le pays et représentant souverainement la France. Personne ne demande sérieusement à l’assemblée de se dissoudre en pleine crise publique, en présence de l’étranger campé encore sur notre territoire. Les radicaux qui lui demandent cet acte d’abdication ne doutent pas eux-mêmes de leur impuissance. Tout le monde sent que ce serait un véritable malheur, et ce qu’on reproche à l’assemblée, ce n’est point à coup sûr de résister aux injonctions du radicalisme, c’est de se laisser aller sur une pente où, sans le vouloir et sans le savoir, elle pourrait arriver à une impasse, à une sorte d’impossibilité de vivre. En d’autres termes, on lui demande de jouer grandement son rôle d’assemblée souveraine, et cette mission, elle ne peut la remplir qu’en dégageant de son propre sein une majorité dont la seule existence suffirait à garantir de toutes les crises imprévues, à réprimer toutes les fantaisies dissolvantes, et à fortifier la vie parlementaire. Des hommes bien intentionnés s’occupent, dit-on, de former une majorité avec les deux centres, dont la réunion constituerait une force imposante. Rien n’est plus désirable que le succès de cette tentative. C’est la condition de l’autorité de l’assemblée, et de ce qu’on appelle en Angleterre l’expédition des affaires. Sans cela, il arrive ce qu’on voit tous les jours, ce qui est une des faiblesses de la situation actuelle : les débats vont au hasard des propositions individuelles, les passions prennent la place des affaires sérieuses, ou bien on s’occupe à discuter sur les incompatibilités parlementaires, chose essentiellement urgente, on en conviendra ! L’assemblée a cependant assez à faire sans se perdre dans ces discussions des temps paisibles : elle a toutes les questions de finances qui traînent dans ses commissions, elle a ce grand problème de la reconstitution de notre armée à résoudre ; elle a aujourd’hui une question qui est pour elle une occasion de faire acte d’initiative, cette souscription nationale, dont la pensée est sortie du cœur du pays. Qu’on tienne compte de toutes les considérations po-